Scènes

1, 2, 3 jazz au Centre Wallonie-Bruxelles

Les expositions autour du jazz ont la faveur du public : après « Le siècle du jazz » au quai Branly, « Musique en jouets » aux Arts Décoratifs et « We Want Miles » à La Villette, voici « 1, 2, 3 jazz » au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.


Du 20 octobre au 24 janvier le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris a proposé à Marc Danval de programmer des manifestations autour du jazz en Belgique. Le célèbre « touche-à-tout » d’Ixelles a donc proposé des concerts (Nathalie Loriers, Steve Houben, Charles Loos…), des conférences, un spectacle (Les poètes du jazz) et une exposition (« 1, 2, 3 jazz ») qui retrace l’histoire du jazz en Belgique).

Ce samedi matin à l’heure où les musées ouvrent leurs portes, la queue prend une tournure inquiétante sur le parvis de Beaubourg : les abstractions noires et blanches de Soulages attirent la foule ! Fort heureusement, aucune attente devant le Centre Wallonie-Bruxelles qui fait face au centre Georges-Pompidou et jouxte un autre lieu ami du jazz : le Centre Culturel de Serbie (partenaire du festival Jazzycolors).

Dans le paysage du jazz belge, Marc Danval est connu comme le loup blanc : d’abord comédien, il devient ensuite animateur de radio, producteur, chroniqueur gastronomique, directeur artistique, attaché de presse, conférencier, écrivain, poète, plasticien, collectionneur… La liste de ses talents est encore longue ! Mais c’est sans doute « La Troisième oreille », émission hebdomadaire de la RTBF sur le jazz, qui l’a rendu incontournable : depuis près de vingt ans il s’efforce de prouver avec beaucoup de verve que la troisième oreille est bien « celle qui écoute ce que les autres n’entendent pas »…
La plupart des documents - photos, livres, partitions, pochettes de disque, affiches etc. – utilisés pour l’exposition « 1, 2, 3 jazz » proviennent de sa collection particulière, mais le Musée des instruments de musique de Bruxelles et l’Association Internationale Adolphe Sax ont également contribué à l’événement.

L’exposition retrace donc l’histoire du jazz en Belgique en rendant à ce pays la place qui lui revient. Le déroulement, chronologique, s’articule autour de trois périodes – d’où 1, 2, 3 jazz"… grâce à une scénographie habile : trois pièces sont reconstituées, comme autant de décors de théâtre. Avant tout, une scène de rue permet de revenir sur l’invention, en 1846, par le dinantais Adolphe Sax d’un des instruments emblématiques du jazz : le saxophone. Le spectateur accède ensuite à la reconstitution du bureau de Danval, prétexte à l’évocation du « vieux style », des années 20 à la guerre (Clément Doucet, Gus Viseur, Jeff De Boeck… sans oublier Django Reinhardt, le plus célèbre guitariste belge français !), et de Robert Goffin.

Ce dernier a marqué la musicologie en livrant une des premières analyses consacrée au jazz : Aux frontières du jazz, publié en 1932, soit six ans après Le jazz d’André Schaeffner (consacré à la genèse du genre) et quinze ans après le premier article jamais écrit sur ce thème par le chef d’orchestre suisse Ernest Ansermet). C’est dans un décor de club que le visiteur découvre ensuite le jazz d’après-guerre avec Bobby Jaspar, Jacques Pelzer, René Thomas, Benoît Quersin, mais aussi, bien sûr, Toots Thielemans… Enfin, la troisième salle est consacrée au jazz des années 60 à nos jours, autour de Philip Catherine, Steve Houben, Éric Legnini, Nathalie Loriers, Stéphane Galland… l’éternel Thielemans et tous les musiciens qui font la richesse de la scène belge. Un montage vidéo astucieux complète le panorama.
Mais ce n’est pas tout : Danval a eu l’excellente idée de demander à Yves Budin d’exposer des portraits de musiciens belges contemporains et de créer l’affiche de « 1, 2, 3 jazz ».

Avec Visions of Miles les lecteurs de Citizen Jazz ont découvert les traits esthètes de cet artiste dont les encres, souvent rehaussées, penchent dans la plupart des cas vers un expressionnisme affirmé, mais qui sait aussi être d’un minimaliste élégant (Pirly Zurstrassen, ou l’affiche de l’exposition). Réduites à quelques traits (Fabrice Alleman) ou donnant au contraire dans le foisonnement (Houben et Pelzer), les œuvres de Budin ont une présence indéniable : voir visage de Mélanie De Biasio ou le superbe portrait de N. Loriers au piano.

Saluons l’initiative de Christian Bourgoignie, directeur du CWB, et souhaitons qu’elle fasse des émules afin que les amateurs puissent découvrir l’histoire du jazz dans d’autres pays…