Tribune

Artie Shaw And His Gramercy Five # 4

33 + 45 = 78
Chronique actuelle d’un disque 33 tours, ou 45 tours, ou même 78 tours !


Une parmi les plus belles pochettes de David Stone Martin (1913 - 1992), l’un des plus fameux graphistes de l’histoire. Il a travaillé pour de nombreux labels, format 78 tours (Asch), 33 et 45 tours (Clef, Verve), sa réputation a vite franchi l’Atlantique et il a inspiré (entre autres) le bordelais Pierre Merlin, auteur de fresques réalisées à Bordeaux pendant l’occupation allemande et qui sont restées célèbres malgré leur destruction. Avant de jouer de la trompette en professionnel, Pierre Merlin avait contribué au label Vogue sous forme d’un très grand nombre de 25 cm (Bechet et beaucoup d’autres).

Le disque qui nous occupe aujourd’hui, plus exactement sa pochette, montre au recto sur la partie gauche un coeur percé, symbole de l’amour, une clarinette (instrument d’Artie Shaw), et sur la partie droite est dessiné à grands traits énergiques un profil de femme, habilement dénudé, qui pourrait rappeler les huit mariages du chef d’orchestre avec des femmes célèbres dont Lana Turner et Ava Gardner. Pour un peu, on parlerait de lui en termes de « Barbe Bleue », donnant ainsi à cette sorte de bleu une signification inédite et étonnante.

Quoi qu’il en soit, au terme d’une carrière qui était loin de se superposer avec sa fin de vie (Artie Shaw est mort en 2004, il était né en 1910), le clarinettiste a enregistré en 1954 ses derniers disques pour les labels de Norman Granz, Clef et Verve, à la tête d’une petite formation qui comprenait la plupart du temps, outre le leader, un guitariste (Tal Farlow ou Joe Puma) un vibraphoniste, un contrebassiste et un batteur. Sous la dénomination de « Gramercy Five » (déjà utilisée pour de petites formations comparables alors qu’il était sous contrat avec RCA) il propose une musique pleine de vivacité et de swing, et qui se revendique des apports du bop. Lui-même, à la clarinette, fait entendre une sonorité pleine, égale sur tout l’ambitus de l’instrument, et l’on comprend à son écoute qu’il ait servi de « modèle » pour beaucoup de clarinettistes .

Les éditions en CD des « Gramercy Five » d’origine Clef ou Verve ne sont pas légion, ce qui est étrange dans la mesure où Universal détient les droits de ces enregistrements et que la politique de réédition a souvent été bien menée par cette major, au moins lors des vingt dernières années. On se tournera donc vers le Japon, ou vers un coffret de deux CD publié en 1991 sous le label Limelight.