Chronique

Ben Allison & Medicine Wheel

Buzz

Michael Blake (ts, ss), Ted Nash (ts, fl), Clark Gayton (tb), Frank Kimbrough (p, Wurlitzer, prepared piano), Ben Allison (b), Michael Sarin (d).

Label / Distribution : Palmetto Records

La roue de la fortune tourne toujours pour Medicine Wheel, qui vient de sortir Buzz, quatrième album du groupe depuis 1999.

Medicine Wheel cherche à développer un langage musical spécifique dont le vocabulaire se trouve à la croisée du free et de la fusion, avec de fortes influences des musiques du monde, et sans jamais renier le swing. Sa démarche pourrait être vue, par maints aspects, comme un prolongement de celle de Steve Coleman.

De toute évidence, Ben Allison et ses compagnons attachent beaucoup d’importance aux mélodies, souvent à la fois douces et dissonantes, et dont les racines sont nourries d’engrais pour le moins variés : africains, latinos, amérindiens… Quatre thèmes ont été composés par Ben Allison, Michael Blake est l’auteur de « Mauritania », on doit « Erato » au pianiste Andrew Hill, et l’album s’achève sur « Accross the Universe », la ballade des Beatles.

Première constatation, le rythme est une préoccupation fondamentale du sextet. Et pas uniquement pour Michael Sarin qui ne prend pas de solo mais reste constamment sur la brèche, et s’avère un batteur particulièrement subtil. Frank Kimbrough renforce la présence rythmique en utilisant des motifs répétitifs - « Respiration » -, ou un jeu teinté de phrasés latinos, comme dans « R & B Fantasy ». Si Ben Allison est assez discret dans l’ensemble, son gros son grave et sourd sied parfaitement à l’ambiance recherchée, et contribue incontestablement au groove qui émane de la plupart des morceaux - il suffit d’écouter la « running bass » de « Buzz »… La « polyrythmie » est également au rendez-vous, avec, entre autres, des morceaux comme « Buzz » ou « Mauritania », dans lequel Ted Nash livre une belle intervention à la flûte. Autre caractéristique de Buzz, on retrouve une grande discontinuité rythmique dans la quasi-totalité des morceaux, sans pour autant perdre le fil mélodique.

Deuxième constatation, Medicine Wheel fait la part belle au groupe. D’abord par les exposés des thèmes à l’unisson, comme dans « Respiration » ou « Mauritania », ensuite par l’espace laissé au jeu d’ensemble - « Mauritania », « Buzz », « Across the Universe ». D’autre part les musiciens ont fréquemment recours au contrepoint, particulièrement flagrant dans « Erato », entre Michael Blake au soprano et Ted Nash au ténor. Par ailleurs, on note une grande interaction entre toutes les voix, à l’exception peut-être de celle de Clark Gayton, plus discret, sauf sur « Mauritania » où il prouve qu’il est un soliste efficace !

Dernière constatation, peut-être pas si anodine, Medicine Wheel est bien ancrée dans la tradition du jazz. En premier lieu pour ce groove contagieux que Ben Allison et ses acolytes dispensent tout au long de l’album : « Respiration », « Mauritania », « R&B Fantasy » en sont autant de preuves, et les autres morceaux n’ont rien à leur envier. Mais on trouve aussi des références directes aux prestigieux ancêtres comme Duke Ellington… Soit dans le travail du son, « dirty » comme dans « Mauritania », « Green Al » ou « Across the Universe », soit dans le climat. A ce titre, « Green Al » est exemplaire ; on croirait entendre Paul Gonsalves dans le plus pur style jungle.

L’histoire ne dit pas si Ben Allison & The Medicine Wheel ont trouvé le Wanka Tanka ; en tous cas, il est sûr que le Grand Wanna Jazza les a élus !