Chronique

Bertrand Renaudin

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Jean-Louis Pommier (tb), Thierry Bonneaux (vib), Yves Torchinsky (b), Bertrand Renaudin (dms)

Label / Distribution : OP Music

Le titre est sans équivoque. Jouer. S’épanouir dans l’interaction, permettre à la musique de se construire dans l’instant, de vivre. Bertrand Renaudin annonce la couleur. Pour ce faire, il s’entoure une nouvelle fois de Thierry Bonneaux et Yves Torchnisky, comme sur Château Rouge. Quoi de mieux, lorsqu’il s’agit de s’abandonner à ce vertueux plaisir, que s’entourer de présences familières ? Autre option : inviter des improvisateurs talentueux, ce que fait le batteur en confiant la voix de son quartet au trombone de Jean-Louis Pommier.

Placé sous le signe de la générosité, l’album s’ouvre par une composition intitulée « Pour tous nos amis » ; on y perçoit clairement l’intention, confirmée par le reste du disque, de partager - sans pour autant sacrifier la créativité ou le soin porté à l’écriture. Il y a dans ce disque des instants enfiévrés durant lesquels les musiciens lâchent les chevaux, comme on dit, mais surtout beaucoup de sensibilité dans l’appropriation par le quartet de ballades magnifiques. De nombreuses associations de timbres débouchent sur un large spectre et des trouvailles harmoniques qui contribuent à la richesse de l’expression collective. Ainsi la contrebasse s’acoquine volontiers, en marge de ses belles lignes épurées, avec le vibraphone (« Subtitle Of The Night ») ou, jouée à l’archet, avec le trombone (« Un poisson sans vélo »). Thierry Bonneaux influe beaucoup sur la couleur et la dynamique des morceaux en jouant sur la résonance et la brillance de ses sons, alternant des phases en note à note très fluides et des séquences en accords qui apportent de la densité, voire de la tension. Quant à Pommier, c’est un mélodiste. La plastique de son jeu (sonorité ouatée, phrasé souple et superbement articulé) fait de chacune de ses interventions un moment délicat. Cette maîtrise, en plus de conférer à ses thèmes et solos une douce rusticité, lui permet de s’avancer puis de s’effacer, de prendre la parole et de la donner, d’accompagner de lignes simples et bien choisies les chorus de ses compagnons, et par là même de contribuer à assurer la cohérence du développement collectif. Torchinsky et Renaudin conversent perpétuellement entre eux et avec les autres. Le premier répond au foisonnement du second par des lignes épurées, ou au contraire emplit de notes suspendues les espaces offerts (« Ailleurs »). Dans la retenue comme dans le lâcher-prise, tous deux font preuve d’une remarquable complémentarité et trouvent le juste équilibre entre l’ornement et le maintien d’une pulsation chantante.

Les mélodies en elles-mêmes ne sont pas qu’un point de départ, une ossature autour de laquelle viennent se cristalliser gestes et propositions, passes d’armes et conversations intimes. Tant et si bien qu’une fois parcourue cette suite de morceaux tour à tour poétiques et entraînants, rêveurs et positifs, on est pris d’envie, simplement, d’appuyer à nouveau sur le bouton. Play.