Chronique

Drifting Box Celebration

Nœud-Col

Clément Gibert (sax, cl), Franck Pilandon (sax), David Audinet (tb), Alexandre Peronny (cello), Stéphane Arbon (b), Sylvain Marty (dms)

Label / Distribution : BeCoq

Après avoir autoproduit un premier disque où s’affirmait déjà un son de groupe et une esthétique d’écriture singuliers, Drifting Box Celebration sort Nœud-Col, leur second album, sur le label BeCoq que l’on sait attentif aux projets aventureux.

La formation, emmenée par Sylvain Marty qui reste à l’origine du travail de composition, s’est transformée en sextet avec l’arrivée de David Audinet, tromboniste dont on a pu apprécier la liberté d’expression dans d’autres circonstances, et notamment en duo avec le batteur ou au sein des Défrichés, la fanfare maison du collectif Musique en Friche dont tous ces projets émanent.

L’arrivée de cette nouvelle voix va dans le sens du propos de Drifting Box Celebration et lui permet d’éclore encore un peu plus. Mêlé aux saxophones et clarinette de Clément Gibert et Franck Pilandon, il participe à l’élaboration d’épisodes bouillonnants et épaissit le spectre harmonique de la section de soufflants sur les parties écrites, toujours ciselées comme autant de petites ponctuations qui jalonnent les développements improvisés pour mieux les sculpter. Dans une posture opportuniste, le violoncelle de l’excellent Alexandre Peronny navigue entre ces voix et la rythmique consistante mais souvent insaisissable que Marty entretient avec Stéphane Arbon.

Ce sont les écoutes répétées qui permettent à l’auditeur de percevoir les formes distinctes de compositions sophistiquées au sein desquelles les recoins à explorer, tant dans l’écoute que dans le jeu, sont nombreux. La multiplication des voix apporte une profusion de pistes que le sextet recentre par ses thèmes précis et ses unissons furtifs. On a souvent le sentiment d’une forme aux contours mouvants qui, par quelque procédé de morphing, s’étale ou se resserre. Ainsi la jungle d’anches stridentes et de cordes frottées qui ouvre le disque s’estompe-t-elle pour laisser apparaître une rythmique lisible brouillée par les interventions hachurées des instruments à vent et les traits d’archet rauques du violoncelle. Une entrée en matière où s’affirme le refus de la joliesse et de la facilité. C’est d’ailleurs le même amas de sonorités tendues que l’on retrouve un peu plus loin, sur « Toupie », mais dont le sextet extirpe cette fois une miniature empressée. La disposition des sons est au cœur du propos et il n’est pas rare que les instruments se complètent en d’étonnantes mélodies discontinues. Au cœur de ce dispositif, on mesure la valeur de l’ajout d’un cuivre, les effets d’embouchures et la sonorité râleuse d’Audinet constituant des textures supplémentaires qui soulignent, par effet de contraste, les sons lisses et les jaillissements de Gibert et Pilandon.

Les éléments formels sont aussi audacieux que les improvisations engagées. Pour autant, nulle saturation, nul excès d’intention. L’épure s’invite ça et là, donnant aux musiciens l’opportunité de créer des atmosphères atypiques, comme les étranges couleurs développées collectivement autour de la ligne de contrebasse simple et profonde sur la fin de « Chute ».

En affirmant son identité sans renier ni le jazz et sa spontanéité, ni la musique contemporaine et ses codes à réinventer, Drifting Box Celebration propose un programme concis où se bousculent les situations de jeu, entre virages en épingle, matières travaillées à chaud, fulgurances et pulsation organique. Toutes choses que des compositions comme « Nœud-Col », millimétrée autant que dynamique, ou « Rouge », ouverte et façonnée par les jeux de timbres, portent avec force.