Chronique

Carl Norac et Rébecca Dautremer

Swing Café

Carl Norac (texte), Rébecca Dautremer (illustrations), Jeanne Balibar (récitante)

Label / Distribution : Didier Jeunesse

Parmi les initiatives visant à faire découvrir le jazz au jeune public, l’éditeur Didier Jeunesse propose un très beau livre-disque au format confortable (27 x 27 cm), consacré au jazz des années 30.

Swing Café est un conte poétique retraçant la vie de Zazou la cigale brésilienne qui, comme toute cigale qui se respecte, chante jour et nuit. Mais C’est pas une vie de rêver sa vie, dit-elle… Elle rêve de voyager, de découvrir l’Amérique, et plus particulièrement cette étrange musique qui sort d’une radio rapportée par d’innombrables fourmis.

Passagère clandestine dans le couvre-chef fleuri d’une voyageuse sur un paquebot en partance pour New York, Zazou quitte son Brésil natal et découvre Chinatown la foisonnante, croise un doryphore gentleman et rencontre Buster la mouche bleue qui l’emmènera, après maintes péripéties, dans les coulisses du Swing Café…

Le texte de Carl Norac est dit par Jeanne Balibar, qui trouve le ton juste pour raconter cette belle histoire : la comédienne, également chanteuse, joue de sa voix grave et nonchalante pour narrer les aventures de Zazou. Sa lecture n’est pas surjouée, elle ne modifie pas sa voix selon les personnages. Sans ces artifices parfois superflus, elle peut se consacrer pleinement au fond et tisser un portrait émouvant de
Zazou la cigale, dont le cœur balance entre l’attrait du départ et l’abandon de ses amis, dont Miro le papillon, le plus chéri d’entre tous. Et compte tenu de la qualité poétique du texte, on ne peut que saluer la pertinence de cette approche. Car l’écriture de Carl Norac est imagée et rythmée, les phrases sont courtes et dansantes, comme le jazz d’avant le be-bop.

L’histoire est illustrée par Rébecca Dautremer, qui parachève la mise en place de l’univers particulier et unique de ce livre. L’originalité principale est de représenter les protagonistes sous la forme d’êtres humains, Noirs à chapeau melon et en smoking, qui ont la taille d’insectes. Cela lui permet de jouer de la démesure et du contraste entre les décors et les personnages : Zazou peut faire la sieste dans une guitare, se faire un manteau d’un billet d’un dollar, danser sur les touches d’un vieux piano ou encore chuter dans un saxophone alto. En dehors ces scènes souvent drôles, Rébecca Dautremer excelle dans la création d’atmosphères poétiques et émouvantes, issues de la conjugaison d’un trait précis et détaillé pour les personnages et d’une quasi-absence de décors. Enfin, complément indispensable aux illustrations, le graphisme et la mise en page s’appuient sur des affiches et pochettes de disques des années 30.

Le récit est enrichi d’une douzaine de morceaux datant de cette même période ; pour ne pas rompre le rythme, les différents chapitres débutent ou s’achèvent par un extrait ; toutefois, certains titres sont présentés en version intégrale à la fin du disque. Le choix du répertoire a été opéré par rapport au public visé : le swing de « Hot and Bothered » (Duke Ellington), le scat désopilant des Mills Brothers ou « Minnie the Moocher » (Cab Calloway) et ses inévitables « Hi De Ho »…

En un mot, la combinaison du texte, du graphisme et des morceaux restitue brillamment l’ambiance de ces années, et la voix séduira les enfants, auxquels est destiné ce livre-disque soigné. Mais la grande force poétique de Swing Café lui permet aussi d’intéresser le public adulte.