Chronique

International Guitar Night

An Evening With The International Guitar Night

Guinga (g), Andrew York (g), Pierre Bensusan (g), Brian Gore (g)

Label / Distribution : Favored Nations

A quel mystérieux alliage l’acier et le nylon peuvent-ils donner naissance ? Peut-être l’écoute répétée de ce disque procurera-t-elle quelques bribes de réponses. Vingt-quatre cordes se rejoignent, se croisent, discutent un moment, parlent de leur conception de la musique, reprennent leur route sans jamais oublier leur rencontre, se retrouvent enfin pour un festin joyeux et enthousiaste. Pour leur donner vie, quatre maîtres de la guitare acoustique : Guinga, Pierre Bensusan, Brian Gore et Andrew York, qui constituent l’éphémère formation International Guitar Night. Ephémère car depuis sa naissance, en 1994, elle est davantage un concept qu’un groupe : imaginée par Brian Gore, qui en est un membre permanent, cette structure a pour but de repousser les frontières musicales et culturelles en mélangeant chaque année quatre guitaristes acoustiques d’origine et style très différents, habituellement adeptes du jeu en solo, pour une série de quinze à trente concerts. Au fil des ans, des musiciens tels que Paulo Bellinatti, Alex de Grassi, Peter Finger, Gerardo Nuñez ou encore Ralph Towner ont un jour partagé la route de l’International Guitar Night.

Néanmoins, malgré les dix ans d’âge de ce concept, ce disque en est le premier enregistrement commercialisé. Il offre ainsi l’occasion d’entendre les dialogues entre York, Gore, Guinga et Bensusan, quatre très grands compositeurs et mélodistes hors du commun, et de découvrir l’univers musical de chacun. En effet, outre des duos et un morceau final en quartet, les quatre guitaristes jouent en solo de nombreuses pièces de leur composition. Grâce à ces solos, se dessine peu à peu le portrait de chacun : Guinga le Brésilien, naviguant entre mélancolie et enthousiasme ; Bensusan l’explorateur d’un style unique et inclassable, qui repousse sans cesse les limites sonores de l’instrument en intégrant à ses compositions (« Intuite » notamment) du tapping, des harmoniques artificielles ou des effets percussifs ; Andrew York l’insaisissable facétieux, capable de parcourir une palette musicale inouïe, du classique au presque rock, au sein d’un même morceau (« Moontan »), et de proposer un hommage au reggae - « Marley’s Ghost » - dans lequel se mêlent une ligne de basse, une mélodie et des accords à contretemps typiques du reggae ; et Brian Gore le poète maudit, maître de la sombre mélodie dont la noire beauté étreint le coeur sans relâche.

Après ces solos, où les musiciens évoluant avec aisance au sein de leur propre univers, les duos ont un tout autre intérêt : témoigner que ces artistes, bien qu’ayant tous développé un style et une touche très personnels, ne sont pas cloisonnés dans ce domaine personnel spécifique, mais peuvent parfaitement entrer en interaction. Après la perfection du solo, l’auditeur peut avoir l’impression que certains duos fonctionnent moins bien, notamment lorsque le morceau est si complet, si riche, qu’il n’y a guère de place pour un second musicien. Mais dans la plupart des cas, le duo permet à l’un des deux protagonistes de laisser libre cours à son sens de l’improvisation tandis que l’autre maintient la structure harmonique et rythmique du morceau (sur « Without You » par exemple). Le morceau final en quartet « How Should I Know ? », composé par Bensusan, regorge d’échanges, de questions-réponses, d’ostinatos des uns et des autres dans différents registres, le tout sur un rythme enjoué et festif, à l’image d’une conversation animée entre quatre amis très proches.

Un disque à découvrir, autant pour les quatre personnalités qui le composent que comme preuve supplémentaire que la virtuosité et la technique doivent être avant tout au service de la musique, de l’écoute et de l’échange, et non une finalité en soi.