Chronique

Chris Costantini

A pas comptés

Le jazz est souvent là où on ne l’attend pas. A y réfléchir davantage, c’est peut-être même une de ses particularités que de nous surprendre à tous les coins de rue de notre existence. Que serait donc le jazz s’il était une musique convenue ?

Il y a des romans policiers qui, eux, sont comme du jazz. Ils nous embarquent malgré nous, nous tiennent en haleine au rythme de leur suspense mais aussi d’une écriture souvent complexe et foisonnante, en tout cas inventive. Alors nous nous retrouvons bien incapables de les lâcher. Parce que ce sont eux qui ne nous lâchent pas.

Il y a des romans policiers où le jazz est là comme une sorte de décor plus ou moins présent. Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est le rôle qu’il joue tout au long du dernier roman de Chris Costantini, A pas comptés (Michel Lafon). Le personnage principal se prénomme Thelonious en hommage à Monk, que Chris Costantini connaît bien ; mais il faut reconnaître que cela sonne un peu artificiel. À l’image des références au jazz qui jalonnent l’ouvrage, toutes justes (quelques belles remarques sur Bill Evans ou Thad Jones, par exemple) mais qui semblent par trop intervenir dans l’écriture, sans autre justification que celle de la passion de l’auteur pour cette musique. C’est beaucoup, mais pas suffisant pour convaincre que l’écriture ici ait quoi que ce soit de musical. On n’a guère l’impression en effet que la musique l’a en quelque sorte façonnée de l’intérieur via une sorte de nécessité urgente, vitale, indispensable au point qu’on ne puisse l’imaginer autre.

Toutefois, on n’a pas besoin de cela pour savourer un polar, évidemment, et c’est le cas ici, principalement grâce au « scénario - une histoire de trafic de drogue et de prothèses « bioniques » sur fond de guerre en Irak, assez astucieuse pour que l’on s’attache à ce policier new-yorkais en passe de devenir « privé » et quelque peu blessé par les douleurs de la vie.