Chronique

Élise Dabrowski

Auroch

Label / Distribution : Meta Records / Socadisc

Une histoire de cordes et de cornes. Pas n’importe lesquelles. Les vocales d’Élise Dabrowski, prêtes à toutes les audaces, complètement timbrées, à l’opéra comme au club, selon son parcours excentrique – au sens exact : décentré. De Messiaen à Janacek en passant par Mahler, fallait-il s’étonner de la croiser, côté jazz, auprès des Médéric Collignon, Louis Sclavis, Élise Caron, Bruno Chevillon, Edward Perraud ? Et Joëlle Léandre ! Sœurs de contrebasse et de contrebande, à passer en douce les frontières extravagantes d’une musique sans autre appellation.
En face, donc, les cornes de la bête des profondeurs, animale, ancestrale et au-delà même du Minotaure : l’aurochs. Oui, avec un s , pluriel et invariable, de l’allemand Ochs, « bœuf » – même Brassens, surtout Brassens (Corne d’aurochs) a évité cette « forme fautive » selon Robert, le Grand. Qu’Élise et son « parolier » (Jocelyn Bonnerave) soient absous, le péché est véniel et la musique sublimée. Là encore, jazz ou pas, le genre se trouve balayé, puisque les notes chamboulées, l’archet démanché, la contrebassiste déhanchée. Reste l’aurochs, ressuscité des ténèbres caverneuses de Lascaux et de Chauvet, furieux ou amadoué face à la torera superbe, féline surtout, feulant dans la savane orageuse. La lutte tourne au ballet sonore. La musculature et la grâce, l’accouplement de la bête mahousse et de la belle en vibration. Un mythe ancien, un envoûtement réel.