Chronique

Craig Taborn Trio

Chants

Craig Taborn, kb ; Gerald Cleaver, dm ; Thomas Morgan, cb.

Label / Distribution : ECM

Étui noir, graphes sibyllins, livret en… livrée funèbre, photos en noir et blanc. Pas de doute, on est bien chez « Edition of Contemporary Music », alias ECM. Craig Taborn vient donc d’entrer au catalogue du fameux label de Munich, emmenant dans son sillage Thomas Morgan (cb) et Gerald Cleaver (dm).

Fier assemblage, certes, que ce trio fortement typé. A commencer par chacun de ses rouages. Taborn, ici plus mélodiste que rythmicien, alors qu’il excelle dans les deux registres tout comme dans l’improvisation et la composition – il est l’auteur des neuf morceaux. Pianiste surprenant, des plus inspirés, frotté très jeune (né en 1970 à Minneapolis) à des « durs » tels James Carter, Chris Potter, Dave Douglas, Tim Berne, Steve Coleman, Roscoe Mitchell, Dave Holland – et j’en passe. Ayant monté son trio dès 1994, il s’est vite allié aux drums de Cleaver, batteur à haute sensibilité, tous deux rejoints alors par William Parker (cb), solide charpentier du soubassement. Ce sont ces trois-là qu’un Raphaël Imbert a eu le culot de traîner un soir d’été dans un trou sublime de Haute-Provence (Puimichel, voir ici) pour un inoubliable concert étoilé à la Van Gogh : deux envolées cosmiques d’une quarantaine de minutes, royalement improvisées, tandis que Craig invoquait les mânes de Cecil Taylor (oui, je sais, il est toujours vivant…).

Changement avec ce disque : Thomas Morgan à la contrebasse - un trentenaire californien, bien sollicité (Steve Coleman, Joey Baron, Brad Shepik, Kenny Werner, Tomasz Stanko…) La musique est plus apprivoisée, ayant pris le pli ECM, oui, avec un zeste de contemporaine, ce qui n’est en rien péjoratif, au contraire. On sent seulement une atmosphère un peu renfermée, celle du studio new-yorkais, un jour de juin 2012. Rien à voir, de ce côté-là, avec la voûte étoilée de Provence. Mais avant tout un fameux disque.