Chronique

Guillaume Belhomme

Jackie McLean

Label / Distribution : Lenka Lente

Une petite biographie bienvenue de l’un des saxes alto les plus superbement ignorés de l’histoire du jazz. On fait en effet trop souvent de Jackie McLean (1931-2006) un sous-Charlie Parker. Ce n’est là que vaine jalousie. En effet, le musicien dont Guillaume Belhomme retrace le parcours a plutôt bénéficié du mentorat de Parker dans son adolescence, faisant partie de la même bande d’épigones de ce dernier que son pote Sonny Rollins. Cela n’allait pas hélas sans toxicomanie - avec les frasques liées à l’addiction, en particulier lorsque, embauché par Miles Davis à dix-neuf ans, il n’assure guère ses engagements en dépit de l’admiration musicale que lui voue le trompettiste. Son embauche par Charles Mingus lui fait découvrir des horizons musicaux inédits. Las, il doit le quitter après une énième baston lors d’une tournée.
Néanmoins, c’est en se tournant vers le hard-bop, dont il fut l’un des initiateurs à la fin des années cinquante, que McLean va s’imposer comme l’un des parangons de ce courant musical porté par le label Blue Note, dont il devient l’un des piliers. Il saura laisser à ses partenaires discographiques - pour les concerts c’est grillé du fait des condamnations dont il écope pour usage des narcotiques - le soin de l’accompagner dans ses recherches modales voire free (émergence d’Ornette Coleman oblige) qui ne dédaigneront jamais son appétence pour la soul la plus existentielle (« ‘Bout Soul », 1967). Le tromboniste récemment décédé Grachan Moncur III lui fournira des compositions novatrices dont il fera son miel.
Son sens littéraire affûté le conduira sur les voies du théâtre (la pièce « The Connection », dont la captation filmée par Shirley Clarke en 1961 montre les ravages de la toxicomanie, nonobstant une musique formidable signée par le pianiste Freddy Green), mais aussi de la poésie. Dès lors qu’il a décroché de la dope, McLean s’engage dans des actions socioculturelles en faveur de l’émancipation des Afro-américains. Fin pédagogue, il n’a jamais cessé de convier les sien.ne.s dans les luttes pour la dignité par le truchement de son art, qu’il a toujours conçu comme une expression populaire.