Chronique

Jazz en France

Compilation

Label / Distribution : Sony music

Le jazz a trouvé en France une véritable terre d’accueil auprès des intellectuels et des artistes, et ce dès les Années folles.

« L’histoire d’amour avec notre pays est une affaire ancienne » comme l’écrit, dans ses excellentes notes de présentation, Stéphane Ollivier. Ce qui est tout à notre honneur. Mais avec le recul, on se dit que ça allait (presque) de soi. En effet, cette forme musicale, à l’origine vouée au divertissement, a évolué en une grande diversité de thèmes et de styles favorisés par une créativité toujours renouvelée, un sens inné de la réappropriation, même si l’Amérique reste « l’espace imaginaire de référence ».

C’est tout l’intérêt de cette belle compilation chronologique Sony en deux volumes : montrer la vitalité de cette musique en dressant un panorama du jazz français depuis son importation de « là-bas » (Ray Ventura and his Collegians, 1929, Grégor et ses Grégoriens, premier grand « orchestre » de jazz français) jusqu’à, par exemple, la réinvention assez récente du « swing musette » par Richard Galliano.

Le premier CD s’attarde à juste titre sur les années trente, décisives, avec les violonistes Michel Warlop et surtout Stéphane Grapelli, et avec le génial Django Reinhardt, créateurs du Quintette du Hot Club de France, sans faire l’impasse sur la période troublée de l’Occupation où le jazz, paradoxalement, fut très vivace (avec de grands solistes tel l’accordéoniste Gus Viseur, le clarinettiste Alix Combelle, l’altiste André Ekyan…). L’Après-guerre sera jubilatoire : c’est le triomphe de Sydney Bechet à Saint-Germain et la déferlante du bebop via de formidables musiciens : Henri Renaud, Claude Bolling, Hubert Fol, Barney Wilen, Pierre Michelot, Martial Solal qui, par un juste retour des choses, accompagnent les jazzmen américains débarquant à Paris.

Le second CD commence par rendre hommage au jazz vocal avec les étonnants, extravagants et (jamais égalés) Double Six. Martial Solal est toujours là, mais l’école française de piano jazz se prépare à la relève : de Laurent de Wilde à Stephan Oliva sans oublier Alain Jean-Marie et Michel Petrucciani. La fin des années soixante marque aussi les débuts de toute une génération flamboyante, des musiciens toujours actifs aujourd’hui qui aiment à s’entourer de plus jeunes : Portal, Romano, Lubat, Texier, puis Sclavis

Comme le veut la règle (du genre), ne sont concernés que des artistes « maison » du catalogue Sony et des marques Vogue et Legacy : il en manque donc beaucoup pour dresser la carte du jazz hexagonal. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce n’est déjà pas si mal que de réécouter tous ces musiciens. En revanche, on ne sait pas qui a opéré ce choix ; plus grave, il manque la liste des musiciens sur chaque prise ! Inadmissible si l’on veut faire un sérieux travail de mémoire !