Chronique

Jean-Philippe Muvien

Rebirth !

Jean-Philippe Muvien (g), Jean-Philippe Viret (b), Bruno Ruder (p), Yoann Serra (d).

Label / Distribution : Allgorythm

Changement de décor : après des incursions éprises de liberté dans Flench Wok, Air Libre et Trio Live, Jean-Philippe Muvien réintègre le sillon d’un jazz « straight ahead ».

Changement de distribution : à la contrebasse, le guitariste fait appel à Jean-Philippe Viret, déjà présent sur Flench Wok. À la batterie, Yoann Serra, compagnon niçois des premières heures qui faisait partie du combo de Vive les jondgleurs, premier opus de Muvien enregistré en 2003, et batteur d’NHX. Le piano est tenu par Bruno Ruder, souvent entendu aux côtés de Vincent Lê Quang et nouveau pianiste de Magma.

Côté production, Muvien publie Rebirth ! sur son propre label Allgorythm, distribué par Abeille Musique. A l’instar de ses précédents disques, il a choisi d’enregistrer au studio de La Buissonne avec l’incontournable Gérard de Haro à la console. Enfin, pour parfaire ce tour d’horizon, les – belles - photos sont signées Christian Ducasse avec, en couverture, un clin d’œil au Wes Montgomery de Boss Guitar ?

Muvien reprend d’ailleurs « Four On Six », que son illustre aîné a enregistré pour la première fois en 1960 sur le célébrissime The Incredible Jazz Guitar Of Wes Montgomery. Au chapitre des standards, le quartet interprète aussi le splendide « Blue Bossa », ballade composée par Kenny Dorham en 1963 dans le cadre de l’album Page One de Joe Henderson. On retrouve également « The Night Has A Thousand Eyes », thème du film éponyme de John Farrow (1948), qui devint un standard de jazz grâce à l’enregistrement d’Horace Silver (1956) et fut notamment enregistré par Herb Ellis, Kenny Burrell, Joe Pass… pour ne citer que les guitaristes. [1]. Le dernier titre emprunté à un collègue n’est autre que la « Beatrice » de Sam Rivers, thème fétiche de Kevin Hays, pianiste également diffusé en France par Allgorythm. L’écoute de Sweet Ear (1994) et de l’excellent Heaven’s Sake (2006) ont dû marquer le guitariste… à juste titre. Les cinq autres morceaux sont signés Muvien : concis et conçus dans une veine « mainstream » à l’exception d’« El Bonobo », qui tournoie, porte bien son nom (c’est un chimpanzé nain) et clôt l’album sur une touche vive.

Le quartet est à son aise dans ce registre « bopisant ». Viret est très présent : sa walking ou son jeu harmonique portent les solistes et ses chorus sont convaincants, comme celui de « Beatrice », pris dans le registre médium, avec des phrases courtes et rythmiques. Serra s’avère être un partenaire de choix avec un chabada solide, un jeu subtil sur les peaux (« Lucille et Daniel ») et un swing bien trempé. Ruder propose des solos élégants, des accompagnements qui balancent, des introductions contemporaines… Autant de points communs avec Philippe Milanta, par exemple. Quant à Muvien, il nage comme un poisson dans l’eau et démontre sur Rebirth ! qu’il est un guitariste accompli, aussi agile sur les traces de Montgomery, de Django ou du Guitar Trio, que dans le sillage du « free guitarist » que le public connaît davantage.

Renaissance ou thérapie… peut-être les deux à la fois car Rebirth ! est un ensemble de belles mélodies, habilement exécutées et qui bougent !

par Bob Hatteau // Publié le 14 avril 2008
P.-S. :
  1. « Ich bin romantich », Jean-Philippe Muvien & Daniel Humair (6’27).
  2. « Lucille et Daniel » (3’23).
  3. « Ulysse treize » (6’31).
  4. « The Night Has A Thousand Eyes », Benjamin Weisman & Dorothy Wayne (6’28).
  5. « Beatrice », Sam Rivers (6’11).
  6. « Four On Six », Wes Montgomery (4’29).
  7. « Tahabalad » (5’45).
  8. « Blue Bossa », Kenny Dorham (5’09).
  9. « El Bonobo » (4’14).

(Toutes les compositions sont de Jean-Philippe Muvien, sauf mention contraire).

[1À noter que ce morceau a été écrit par Jerry Brainin et Buddy Bernier et non pas, comme l’indique la pochette, par Benjamin Weisman et Dorothy Wayne. Ces deux-là sont les auteurs d’une chanson qui porte le même titre, mais qui fut un tube chanté par Bobby Vee dans les années 60.