Chronique

Aldo Romano

Threesome

Danilo Rea (p), Rémi Vignolo (b), Aldo Romano (d)

Label / Distribution : Verve / Universal

Un peu plus de vingt ans après un disque mémorable en compagnie de son compère Jean-François Jenny-Clark et d’un certain Michel Petrucciani, Maître Aldo nous propose un nouvel album en trio avec Danilo Rea au piano, Rémi Vignolo à la contrebasse et des compositions qu’il a signées.

Threesome arrive à point nommé pour donner raison au jury du Jazzpar Prize, décerné le 23 avril dernier à Aldo Romano, car disons-le d’emblée : cet album est remarquable ! Des mélodies superbes, des improvisations très libres, une palette rythmique variée, de l’humour… et une grande cohérence d’ensemble. Le tout servi par des musiciens en parfaite harmonie.

Sur les bords du Rubicon on ne présente plus Danilo Rea, connu d’abord avec le célèbre Trio di Roma et qui après avoir accompagné la plupart des stars de Chet Baker à Joe Lovano en passant par Lee Konitz, John Scofield etc., collectionne les distinctions avec Doctor 3, son dernier trio. Sur les berges de la Seine, on ne présente plus Rémi Vignolo, contrebassiste éclectique, qui a joué hier avec Mark Turner, joue aujourd’hui avec Toots Thielemans et jouera demain avec Richard Galliano. Enfin, inutile de présenter Aldo Romano, que tout le monde connaît des rives du Rubicon et à celles de la Seine…

Dans Threesome, Aldo Romano se montre une nouvelle fois à la hauteur de sa réputation de fin mélodiste. On trouve bien sûr de ces belles ballades faussement romantiques dont il a le secret, comme « Abruzzi », « Murmur » ou les deux thèmes repris du disque Corners, « Sapore di Si Minore », rebaptisé « Manda », et le superbe « Song for Elis ». À quoi s’ajoutent « Paradise for Mickey », une petite comptine qui ne le reste pas longtemps, « Touched !! », un thème dans la lignée be-bop, « Threesome », « Ghost Spell » et « Fleeting » dans un esprit plus free, ou encore le très « ellingtonien » et magnifique hommage « Blues for Nougaro ».

Le titre Threesome va comme un gant à cet album car il s’agit bien d’une partie de jeux dans laquelle les trois musiciens se renvoient sans cesse la balle. Danilo Rea alterne délicatesse mélodieuse, envolées free et gros jeu rythmique, savoureux mélange entre Ahmad Jamal et Keith Jarrett. Il rappelle aussi un autre prodige de la scène actuelle : Bojan Z. « Ghost Spell » est d’ailleurs assez proche du « Set it Up » de Transpacifik. Rémi Vignolo est un contrebassiste libre qui passe d’une walking bass au swing contagieux dans « Touched !! » à une introduction pleine d’effets et d’humour dans « Fleeting », tout en prenant des solos plus mélodieux les uns que les autres, par exemple dans « Murmur » et « Blues for Nougaro ». En dehors de « Threesome », qu’il introduit par un solo monumental, Aldo Romano prend peu la parole, mais dialogue subtilement avec ses deux partenaires, comme dans « Paradise for Mickey ». On sent également l’influence du batteur dans les nombreux changements de rythme qui pimentent les morceaux, à l’image d’« Abruzzi » ou de « Fleeting ».

Trois torons qui se commettent ensemble pour former un bout : l’illustration de la pochette du disque symbolise à merveille ce trio librement uni… ou uni dans la liberté. Chapeau, maître Romano !