Chronique

Jim Rotondi

New Vistas

Jim Rotondi (tp, bugle), Chris Potter (ts, fl), Peter Bernstein (g), Sam Yahel (B3), Bill Stewart (d).

Label / Distribution : Criss Cross Jazz

Le trompettiste Jim Rotondi s’est ici entouré de la crème des musiciens de la scène new-yorkaise : Chris Potter, Peter Bernstein, Sam Yahel et Bill Stewart. Héritier du son harp bop le plus vigoureux de l’écurie Blue Note des années 50-60, Rotondi possède une sonorité et un jeu dans la lignée des Freddie Hubbard, Lee Morgan ou encore Donald Byrd. D’ailleurs, il ne s’en cache pas.

Avec un titre tel que New Vistas, on pourrait s’attendre à voir Rotondi s’éloigner du hard bop… Eh bien pas du tout. Dans les notes de pochette, Rotondi explique : « J’essaie en permanence d’étendre mon vocabulaire […] sans jamais abandonner ma façon de jouer ». Entre compositions du quintet et standards de Duke Pearson ou encore de Gershwin, le trompettiste propose une musique solide et puissante.

Le premier titre, Blues Nouveau, écrit à la dernière minute, est bien représentatif de l’ambiance générale du disque. Il ne fait aucun doute que chacun des musiciens possède une empreinte forte. Chris Potter est un formidable saxophoniste ténor qui suit Rotondi partout où il va. John Force, hommage au basketteur américain Michael Jordan, nous transporte vers le jazz funky d’Horace Silver. Le solo mélodique de Potter nous renvoie au son d’un Turrentine au meilleur de sa forme.
Mais c’est sur Firewater que Jim Rotondi montre sa vraie valeur. Le son rond et chaud du bugle contraste parfaitement avec son solo puissant et musicalement abouti. La guitare de Peter Bernstein, quant à elle, tempère les discours de Potter et de Rotondi et viens se poser tout en douceur sur l’ensemble. Autumn Chill, variation subtile de Autmn in New York avec quelques pointes latines, offre à Rotondi l’un de ses plus beaux solos du disque. Sa sourdine straight-mute, accompagnée par l’orgue de Sam Yahel et la guitare de Bernstein (compositeur du titre), crée une atmosphère chaleureuse sans pour autant reléguer le style très puissant du trompettiste. Chris Potter, lui, fait preuve d’une grande intelligence dans son solo : il expose un discours fort mais avec une retenue très à propos.
L’introduction rubato en duo, Rotondi-Bernstein, sur Isn’t It A Pity montre à quel point le trompettiste possède une magnifique sonorité et un réel talent pour interpréter les ballades avec une grande technique.

Ce disque nous invite à écouter avec passion une musique puissante, chaleureuse et pleine de symboles. Rotondi et Potter sont deux magnifiques techniciens. Mais ce qui fait la force et la solidité de ce quintet est sans nul doute sa section rythmique. Le soutien et la créativité de Bill Stewart laisse aux solistes un chemin dégagé de toute embûche. De plus, le jeu très fin de Sam Yahel à l’orgue Hammond B3 tisse une toile superbe. Le son lourd et omniprésent de l’orgue est un peu comme sauce onctueuse qui lie un bon plat…. On en redemande.