Chronique

[LIVRE] Michel Boujut

Souffler n’est pas jouer

Critique de cinéma consacré par l’émission Cinéma, cinéma sur Antenne 2, Michel Boujut intervient également sur Paris Première, France Inter… À mille lieux de tout académisme et volontiers polémique, il publie ses chroniques aussi bien dans Charlie Hebdo que dans Les Nouvelles Littéraires, L’Événement du jeudi ou Play-Boy. Ses essais sur Wim Wenders et Claude Sautet sont venus compléter une carrière de journaliste déjà bien remplie.
Mais Michel Boujut a d’autres cordes à son arc. D’abord la bande dessinée, où il s’associe avec Tardi pour Un strapontin pour deux. Ensuite la littérature, avec une œuvre prolixe dont Un ange est passé, Le jeune homme en colère… Enfin, et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, Michel Boujut est un passionné de jazz : outre sa collaboration à Jazz Magazine, il a publié un magnifique recueil sur Louis Armstrong et un roman policier : Souffler n’est pas jouer.

Le scénario est simple : en 1934, Armstrong se repose en Europe après avoir quitté son impresario américain qui, furieux, lance des tueurs aux trousses du trompettiste. L’intrigue est construite autour des pérégrinations en France des deux tueurs à gages et du séjour d’Armstrong en France. Loin d’être parallèles, les deux histoires finissent par se rencontrer…

Bien construite, l’intrigue est menée tambour battant dans un décor qui va de la Normandie à la Suisse en passant par Paris et la Franche-Comté. On passe ainsi des boîtes parisiennes aux montagnes enneigées, tout en croisant des personnages qui ont existé. Cet effet, assez amusant, rend l’aventure encore plus réaliste. Michel Boujut décrit avec un brin de moquerie le « commando culturel du Hot Club de France, cornaqué par Panassié et Delaunay » qui, « éperdus de ferveur » devant leur idole, « bafouillent en anglais des compliments hyperboliques ». Mais le lecteur croisera aussi Joséphine Baker et Bricktop ou le fantasque Robert Desnos, né le même jour qu’Armstrong, Ernest Ansermet qui se souvient d’un certain Sydney Bechet, entendu en 1919… Mais la liste des invités serait trop longue à détailler, d’ailleurs ce procédé devient parfois un peu trop systématique sous la plume de l’auteur.

Michel Boujut écrit dans un style plutôt léger qui, ajouté au réalisme de l’histoire, lui confère souvent un ton badin, voire désinvolte.

Ce roman policier est davantage ancré dans l’ère swing que dans le be-bop ; il privilégie clairement la situation par rapport la psychologie, la danse par rapport à la musique… Mais pour le plus grand plaisir des lecteurs, il se lit vite et bien.

par Bob Hatteau // Publié le 28 février 2005
P.-S. :

Rivages / Noir - 2000 - 154 pages - Prix indicatif : 7 €