Scènes

Bobines mélodies, par l’Effet Vapeur

L’Arfi, une vraie réussite collective de la scène jazz européenne…


Compagnie de musiciens professionnels implantée à Lyon depuis sa naissance en 1977, l’Arfi est une vraie réussite collective de la scène jazz européenne. Elle mène depuis ses débuts de nombreux projets, mêlant avec aisance et enthousiasme jazz, musiques improvisées et formes d’arts en tous genres (cinéma, théâtre, cirque, magie…) et ses prestations scéniques sont toujours plus convaincantes. De La Marmite infernale (sorte de grand orchestre bouillonnant dont le nom suffit à annoncer la couleur) aux formations historiques tels que le Marvelous Band ou le Workshop de Lyon, chaque projet est l’occasion de présenter une vision ouverte de la création. Les trios Appollo, Bomonstre et l’Effet Vapeur ramènent l’expressivité du collectif dans un contexte plus intime. En plus d’être une réunion de musiciens aux idées débordantes, ce collectif a aussi été la terre d’accueil et d’émergence de nombreux musiciens français que l’on ne présente plus (Louis Sclavis, Jeff Sicard, Bruno Chevillon, François Raulin, Yves Robert…).

Xavier Garcia © H. Collon/Vues sur Scènes

Depuis ses premières représentations en 1994, l’Effet Vapeur s’illustre dans de multiples festivals français et scènes étrangères et apparaît comme une des formations les plus originales du collectif. Des pirouettes très comiques aux grooves puissants, le trio (jadis augmenté du tromboniste Jacques Veillé) propose une musique surréaliste dans une atmosphère ludique grâce à trois des solistes les plus intéressants de la scène française : Alfred Spirli explore avec finesse et une créativité débordante les différents effets produits par ses objets (tuyaux, arcs, jouets, appeaux…) et sa batterie fantasque. L’univers futuriste de Xavier Garcia et ses images sonores au sampler donne la sensation d’une musique toujours renouvelée qui se mêle naturellement au lyrisme multicolore de Jean-Paul Autin (saxophones et clarinette basse).

On se rend vite compte que les trois improvisateurs explorent avec bonheur des contrées où l’on ne ressent pas la nécessité de distinguer l’écrit de l’improvisé, l’acoustique du synthétique et le contemporain du jazz. Après deux albums enregistrés respectivement en 1997 et 2000 (Pièces et accessoires et Je pense que… (Arfi), l’Effet Vapeur décidera d’explorer d’autres domaines artistiques avec le danseur Julyen Hamilton dans le projet Lighthouse.

Jean-Paul Autin © H. Collon/Vues sur Scènes

Toujours prêt à imaginer des transversalités illimitées entre formes d’arts, le trio crée en 2006 le spectacle Bobines Mélodies, ciné-concert original destiné autant aux adultes qu’aux enfants à partir de films d’animation réalisés par les studios Folimage. Ce centre de création fait appel au talent et à l’imagination incomparables d’une centaine d’artistes et de techniciens utilisant toutes les techniques possibles pour réaliser des courts-métrages : tubes de couleurs, ordinateurs, mine de plomb, plateaux illuminés, caméras, sujets en pâtes à modeler, pièces métalliques en tous genres…

Le projet, soutenu par le Centre Régional du Jazz en Bourgogne pour l’année 2008, donnait en janvier une première représentation au cinéma Casino d’Auxerre. On se plut à y découvrir une dizaine de films (Une bonne journée [M. Bruhn)], Ferrailles [L. Pouvaret], La grande migration [L. Tcherenkov], La Cancion du microsillon [L. Pouvaret], Au bout du monde [K. Bronzit]… Autant de titres servant de prétexte aux bifurcations musicales en tous genres qu’aime à explorer ce trio. Soulignons au passage l’extrême facilité avec laquelle celui-ci se synchronise avec l’image. Les thèmes résultent d’un cocktail rare mélangeant humour et énergie créatrice et les différents climats mettent en valeur la générosité de Xavier Garcia et la rythmique d’Alfred Spirli, qui n’hésite pas à perturber, animer, mais aussi mettre en scène de façon originale (notamment la retransmission d’un ballet de jouets). Les trois musiciens bénéficient du soutien indispensable du sonorisateur Thierry Cousin. Notons l’originalité des matériaux utilisés dans les films : il ne s’agit évidemment pas que de dessins mis en animation, mais aussi d’objets métalliques récupérés, par exemple.

Alfred Spirli © H. Collon/Vues sur Scènes

On connaissait le travail admirable de l’Arfi autour de l’image, animée ou non : de l’orchestre du Cuirassé Potemkine aux deux quartets d’Alain Rellay autour des bandes dessinées La ville qui n’existait pas et Le long voyage de Lena. Bobines mélodies prouve une fois de plus l’engagement respectueux du collectif dans l’écriture pour l’image, en en proposant une vision nouvelle qui fait du muet un spectacle vivant et inouï.

par Armel Bloch // Publié le 28 avril 2008
P.-S. :
  • Le 09/07/08 aux Jardins de l’Arquebuse à Dijon (21)
  • Le 17/08/08 à 21h00 à la salle du CART à Matour (71) (dans le cadre de Jazz Campus en Clunisois)