Ludovic de Preissac sextet
L’enjeu des paradoxes
Ludovic de Preissac (p, comp, arr), Sylvain Gontard (tp, bgl), Michaël Joussein (tb), Michaël Cheret (as, ss, bs), Andréa Michelutti (dms), Manuel Marchès (b). Invité : Sylvain Beuf (ts, ss)
Label / Distribution : Frémeaux & Associés
On en arriverait presque à croire que le sextet est la structure idéale pour l’artiste qui souhaiterait avant tout développer un travail de composition et d’arrangements d’ensemble. Car après son album précédent, une relecture de West Side Story en 2010, Ludovic de Preissac a éprouvé le besoin de se recentrer sur ses propres créations. On aurait pu imaginer chez lui un désir de marquer une pause plus confidentielle, histoire de s’éloigner un peu de ce monument qu’est Leonard Bernstein. Mais il fait le choix de rester en sextet. Formation idéale, donc, car offrant à la fois un dynamisme de big band et l’intimité d’un groupe plus réduit.
Hormis une reprise d’« Estate » qui clôt l’album, toutes les compositions sont signées du leader, et englobent une très vaste palette d’atmosphères : ici, une ballade évoque un gospel, là une salsa – mais sur une métrique en 7/4 pour corser l’exercice ; ailleurs c’est une harmonie be bop plaquée sur une rythmique groove… Les arrangements sont ciselés, les enchaînements irréprochables. Toutefois, Ludovic de Preissac a l’intelligence de ne pas tomber dans le piège d’une musique trop construite, trop cérébrale. Certes les thèmes sont nombreux et multiples, les structures parfois complexes, mais il prend soin de ménager de larges espaces aux solistes, qui peuvent ainsi développer et construire de longues improvisations. Il se dégage donc de son écriture un égal respect de la richesse et de la polyphonie des thèmes, tout comme de l’expressivité des musiciens. Ces deux axes d’écriture se rejoignent fréquemment lors de codas terriblement efficaces où se mêlent en crescendo soliste et riffs de cuivre. Cette attention particulière portée aux échappées personnelles profite naturellement à tous les membres du groupe, mais aussi à un hôte de passage, Sylvain Beuf, qui enrichit deux titres (l’un au ténor, l’autre au soprano) de son habituel phrasé fluide et limpide.