Chronique

Les Pommes de ma Douche

J’ai connu de vous… Monsieur Trénet

Dominique Rouquier : guitare solo, Pierre Delaveau : guitare ; Laurent Delaveau : contrebasse ; David Rivière : accordéon ; Laurent Zeller : violon

Label / Distribution : Le Chant du Monde

Les Pommes n’ont pas traîné. Après un premier album très réussi paru début 2003, le groupe propose ici son second opus, constitué exclusivement de reprises du répertoire du Fou chantant. Le pari est risqué de reprendre en version instrumentale des chansons qui appartiennent au patrimoine de la chanson française et sont nos standards de jazz à nous. Mais cela fonctionne totalement. Les Pommes proposent des versions simples et assez courtes, parfaitement arrangées, des chansons les plus célèbres de Charles Trénet : « Boum ! », « Fleur bleue », « Ménilmontant », « Revoir Paris », « Le soleil et la lune » parmi une quinzaine de titres. Les mélodies sont exposées avec précision et netteté, les improvisations bien
construites, souvent proches des mélodies, et équitablement réparties entre les trois
solistes du groupe : Dominique Rouquier à la guitare, Laurent Zeller au violon et David Rivière à l’accordéon. A l’arrière plan, la contrebasse et la guitare rythmique offrent un socle solide aux structures carrées des titres.

Le choix du répertoire prouve, si besoin est, que les Pommes de ma douche sont bien plus qu’un groupe de jazz manouche ; l’esprit de Trénet plane intensément dans les parages, et les musiciens traduisent bien la bonne humeur de ses chansons, grâce à une maîtrise du swing particulièrement audible dans les titres les plus enjoués comme « Boum ! » (et le glissando de contrebasse qui apporte une cassure rythmique délibérément comique) ou « Ménilmontant ». Là n’est pas le plus suprenant ; en effet, le swing se prête assez naturellement aux ambiances joyeuses. Mais le quintette est également capable de remiser ce swing au fond d’un tiroir et d’exprimer une grande mélancolie, comme dans « Revoir Paris » puis surtout dans la version magnifique de « L’âme des poètes » qui clôt le disque, jetée à Pommes
perdues dans la valse musette par le violon de Laurent Zeller et l’accordéon de David Rivière.

Les Pommes de ma douche réussissent donc le double exploit d’offrir des adaptations instrumentales de chansons atemporelles et célèbres entre toutes, ainsi que d’exprimer simultanément l’enthousiasme et la poésie des titres de Trénet tout en les ayant dépouillés de leurs paroles. Chapeau.