Chronique

Martial Solal

Live at the Village Vanguard

Martial Solal, piano

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Les grands critiques américains du jazz, ceux du New York Times en tête, l’ont annoncé comme l’un des événements de l’année 2007 : Martial Solal est l’un des rares musiciens à être resté près d’une semaine au Village Vanguard pour enregistrer un piano solo. Et il est le second pianiste à le faire après Fred Hersch. Dans ce temple du jazz, ce sanctuaire plein comme un œuf où personne ne pouvait bouger ni respirer Solal, très concentré, commence, en ce soir d’octobre, par les célèbres « On Green Dolphin Street », « Lover Man » ou « I Can’t Give You Anything But Love » dont le public raffole. Le répertoire est composé de ces grands standards auxquels les musiciens de jazz s’essaient depuis plus de cinquante ans.

Reprendre les standards est un jeu d’enfant pour le pianiste français, c’est un peu sa marque de fabrique, sa signature. Il les choisit, les revisite - à savoir qu’il les déconstruit joyeusement : il part d’une phrase rythmique, d’un fredon plus ou moins développé, donc d’une idée mélodique, un fragment de thème que l’on retrouve avec plaisir, que l’on identifie. Après, le reste est à sa « fantaisie », il attend que « l’inspiration le guide », et surgissent ainsi sous ses doigts des citations plus ou moins déconcertantes, un peu saugrenues parfois, mais toujours pleines d’humour, de clins d’œil malicieux. Ces jeux sur le piano et lui-même témoignent d’un recul formidable sur sa pratique et d’un travail insensé, acharné. Une « vie sur un tabouret ». Comme il l’a dit lui même, il pianote jusqu’à ce qu’un « miracle » se produise. Oui, « aide toi et le ciel t’aidera »…

Revenant à New York après son premier séjour, il y a plus de quarante ans, le pianiste - qui fêtait ses quatre-vingts ans en août 2007 - a retaillé à sa guise ces perles du répertoire, pour la plus grande admiration des critiques américains qui aiment à le comparer à tel ou tel grand, Art Tatum en l’occurrence. De toute façon, Solal le sait bien, il demeure un objet de curiosité pour les Américains, intéressés, curieux même, toujours enclins à se demander comment leur musique est « exportée ». Et il sait bien qu’alors, pour être considéré comme l’égal de « ceux qui viennent d’ailleurs » (ce sont ses propres termes), il faut être meilleur.

Voilà pourquoi on découvrira encore avec le même plaisir ce quatrième album chez Camjazz. Après son duo avec Dave Douglas sur Rue de Seine en 2006 et son trio avec les frères Moutin, Longitude, Live at the Village Vanguard laissera aussi sa trace - car avec « notre » Solal, « Jazz Never Ends »…