Chronique

Michel Fernandez Trio

Éléments

Michel Fernandez (ts, ss), Carlos Acciari (b), Paco Sanchez (dm, perc).

Label / Distribution : Jazz in Situ

En 2006, le Michel Fernandez Trio a enregistré Éléments pour Jazz in Situ, en partenariat avec les collègues d’Improjazz. Pour qui ne connaît pas ce trio, le label et le magazine devraient suffire comme garantie de qualité.

Michel Fernandez est de retour sur disque avec ses deux partenaires de longue date : Carlos Acciari à la contrebasse et Paco Sanchez à la batterie et aux percussions. Ils avaient déjà enregistré ensemble, sous le nom de Soledad, un disque éponyme, et Itinérances - ainsi que, au sein du Michel Fernandez Group, Pointe-Noire et Euphoria.

Dans les années 80, Fernandez et Sanchez ont tous deux fait partie de l’orchestre de John Tchicai, avec qui ils ont tourné en Afrique. Ils sont tombés amoureux de ce continent et y ont effectué de nombreux séjours. Acciari, de son côté, a débuté dans son pays natal par la bossa nova avant de bifurquer vers l’avant-garde. Il s’est installé à Paris dans les années 80 et a travaillé avec Jean-Pierre Logerot et François Jeanneau, avant de rejoindre le Michel Fernandez Group.

Ce bref aperçu biographique permet d’imaginer à quoi ressemble la musique d’Éléments : le trio est dans la lignée du Coltrane d’Ascension avec une note prononcée d’africanité.

Hormis « Danse of French Soudan », un thème traditionnel arrangé par Tchicai, les huit autres sont signés Fernandez avec, pour la plupart, des arrangements d’Acciari et de Sanchez. Les morceaux, bien construits, sont plutôt concis (autour de quatre minutes trente). Si l’héritage de Coltrane est clairement revendiqué dès le premier titre, « Color Trane », le trio ne cache pas non plus sa dette envers Tchicai dans le très beau « Five for Tchicai ».

Au ténor, Fernandez a des points communs avec Gato Barbieri, pour sa sonorité (par exemple dans « Color Trane » et « Black Point »), mais sans doute aussi pour cet esprit qui mêle « ethno et free jazz ». Esprit partagé évidemment avec Tchicai et Coltrane… Au soprano, Fernandez est plutôt doux et n’arrache pas les mélodies dans les suraigus : « A l’ouest de Jacky » (McLean ?) et, dans une moindre mesure, « Dance of French Soudan » pourraient presque même s’apparenter à des berceuses.

Acciari et Sanchez forment une belle paire rythmique (« Five for Tchicai ») et ce « trilogue » ne manque pas d’intérêt (à l’instar d’« Extension »). Le contrebassiste possède à la fois un jeu souple et mélodieux, et relance avec des walking bien placées (« Éléments »). Doté d’un son plutôt sec et ferme, Sanchez varie souvent ses effets : des roulements serrés du type marche aux poly-rythmes dans la tradition des percussionnistes free, en passant par le chabada.

Le Michel Fernandez Trio poursuit en liberté son retour aux sources du jazz : un trio, l’avant-garde et l’Afrique, voilà qui pourrait résumer Éléments.