Scènes

Moscow, Idaho (1)

Autour du 34° « Lionel Hampton Jazz Festival ».


Philippe Méziat était présent au 34ème « Lionel Hampton Jazz Festival », du 21 au 24 février 2001. Cet article est le début d’une série de quatre, où l’auteur et nous-même découvrons un autre aspect de l’Amérique.

Moscow est au jazz et à l’Idaho – un Etat du Nord-Ouest des Etats Unis, en bordure des Rocheuses – ce que Marciac est à cette musique dans le Gers, France. Strictement. C’est à dire que lorsqu’on laisse de côté les différences multiples mais superficielles – le festival a lieu en plein hiver là-bas, la programmation y est largement plus modeste bien qu’orientée vers les grands fondateurs, la durée totale de la manifestation n’est que de quatre jours contre dix ou onze à Marciac – on se trouve face à des intentions extrêmement voisines, et à des pratiques absolument identiques. Et d’abord celle-ci : le bénévolat. Moscow – avouez que c’est un nom de ville qui fait rire lorsqu’on dit autour de soi qu’on s’y rend, et pour la première fois aux Etats Unis – est une bourgade de vingt mille habitants (dont seize mille étudiants, nous y reviendrons) qui s’enorgueillit d’avoir réussi à mobiliser tous les soirs près de six mille personnes, en plein hiver, grâce à la passion du jazz et au travail de 450 bénévoles, sans qui rien ne serait possible. Quand on sait ce que le jazz représente aux Etats Unis (pas grand chose en termes économiques, pas plus en termes culturels, rien de très attirant en somme), on se doute qu’il faut avoir su créer un climat particulier pour réussir. Et ils n’avaient même pas sur place Bill Coleman ou Guy Lafitte ! Ce pourquoi ils ont convoqué Lionel Hampton, qui y joue régulièrement depuis les débuts, et cette année encore…

L’amour du jazz et des musiciens, l’amabilité de l’accueil, la passion de la transmission, est ce sur quoi l’on insiste à Moscow, comme à Marciac. « Il n’y a aucun autre festival de jazz aux Etats Unis qui se puisse comparer au nôtre », dit Nancy Hilliard, chargée des relations avec les médias. « Cette petite ville a su créer depuis plus de vingt ans un événement qui fédère les énergies locales, et l’Université a été de la partie dès le début. Maintenant c’est la Nation tout entière qui nous aide [1]. Nous avons un centre de recherche sur l’histoire du jazz, un centre d’archives qui reçoit de nombreux legs, et puis ces seize à dix-huit mille étudiants qui viennent de partout, y compris du Canada ou du Japon, pour suivre des cours et s’exercer devant des professeurs qui ont nom cette année Hank Jones, Russell Malone, Lewis Nash, Lou Rawls, Roy Hargrove, Ray Brown, Joe Lovano… »

On s’y croirait, et on se demande comment Jean-Louis Guilhaumon – principal d’un collège orienté vers l’enseignement du jazz - a fait pour ne pas rencontrer Lynn J. Skinner, son alter ego à Moscow. Il faut quand même dire que ce dernier est rémunéré à l’année pour s’occuper du festival, ce qui change un peu les données. Et quand à savoir ce qui, de Moscow, est visible depuis la France… Ecoutons « Doc » Skinner : « Je connais de nom le festival de Nice, sinon… » La France est pour lui visiblement lointaine. Mais sur ce qui fait la particularité des lieux, il ne tarit pas : « C’est la première fois qu’un festival de jazz porte le nom d’un musicien, dit-il, c’est aussi la première fois qu’une école de Musique porte le nom d’un jazzman. Nous n’avons pas les moyens des manifestations du genre de celle d’Aspen, mais nous suppléons par le désir, la bonne volonté, et les musiciens qui viennent ici demandent toujours à revenir… »

La suite

par Philippe Méziat // Publié le 12 mars 2001

[1George Bush l’ancien, très précisément, qui a déclaré le jazz « Trésor National », et qui a toujours soutenu la petite ville dans son combat pour la reconnaissance.