
Ohlmeier, Khroustaliov, Fischerlehner
In The Gloaming
Lothar Ohlmeier (bcl), Isambard Khroustaliov (elec, fx), Rudi Fischerlehner (d).
Label / Distribution : Not Applicable
Il y a quelque chose d’immédiatement envoûtant à entendre la clarinette basse de Lothar Ohlmeier affronter un profond brouillard d’électronique. Multianchiste berlinois, l’allemand est souvent au cœur de projets où le son est un objet de création radicale, mais sans doute le présent trio qui propose In The Gloaming [1] est le plus ambitieux dans son traitement, tel qu’on avait pu l’entendre en 2019 avec Hypertide Over Kiribati, un premier album. « End Zone » en est sans doute la meilleure illustration, les percussions de Rudi Fischerlehner paraissent être le seul élément tangible dans ce maelström spectral où l’électronique domine. Un musique entêtante et parfois inquiétante, qui semble cheminer comme la mousse sur la rocaille : une miniature omniprésente et qui change jusqu’au souffle de la clarinette.
C’est Isambard Khroustaliov qui est en charge des machines. Inutile de lui chercher des racines slaves, c’est le pseudonyme du compositeur britannique Sam Britton qui a écumé les couloirs de l’Ircam et qui travaille de longue date avec Ohlmeier. C’est d’ailleurs sur le label anglais Not Applicable que paraît In The Gloaming. L’électronique est omniprésente, à mi-chemin entre une ambient astringeante comme on la connaît chez Aphex Twin et des expériences de générations interactives de sons comme on a pu l’entendre chez Braxton ou dans le récent projet de l’ONJ. « Pixel Head » a les plus profondes de ces racines, le morceau débutant sur une clarinette basse puissante au milieu des percussions, jusqu’à ce qu’elle se fasse doucement ensevelir par un bruit blanc chargé de scories et d’artefacts qui avance inexorablement, comme si l’électronique prenait vie. Ohlmeier tend vers le silence, mais un souffle est toujours prêt à briser l’étreinte.
On est rapidement submergé par ces sons subtilement travaillés, par cette volonté de sculpter un matériel fragile. Les sens toujours en éveil, on sait que les choses peuvent être chamboulées par un frottement de cymbale de Fischerlehner ou par l’acidité d’un ronflement électronique. Mais tout se fait en douceur, une approche coutumière pour Ohlmeier, tel qu’on peut l’entendre dans son récent duo de clarinettes avec Tobias Klein, Left Side Right ou ses orchestres avec Julie Sassoon, pianiste anglaise proche de Céline Voccia. Une nouvelle porte d’entrée riche dans la musique créative berlinoise.