
Scarla O’Horror
Semiconductor Taxidermy for the Masses
James Allsopp (ts, bcl), Alex Bonney (tp), Tim Giles (d), Isambard Khroustaliov (elec).
Label / Distribution : Not Applicable
Loin, très loin, si loin des têtes de gondoles d’un « renouveau » du jazz anglais trop souvent réduit à de mauvaises boucles de mauvaise house, il existe toujours de l’autre côté de la manche une branche élégante et une branche vibrionnante d’un jazz libre et regorgeant d’idées qui savent se ranger derrière des figures comme Mike Westbrook, John Butcher ou Paul Dunmall. Mieux : on sait notamment avec Jamie Thompson, Tom Arthurs ou Isambard Khroustaliov [1] que derrière ces statues du Commandeur se cache une belle et jeune génération qui sait faire fi des sirènes du commerce pour suivre sa propre flamme. Parmi ces représentants, le quartet Scarla O’Horror fait figure de modèle depuis le début de la décennie. Aux côtés de l’électronique fiévreuse, souvent bruitiste et joyeusement déstabilisante de Khroustaliov, on retrouve le dialogue canonique d’un free jazz assumé, entre les anches de James Allsopp et la trompette d’Alex Bonney.
On connaît Allsopp pour son travail avec Sylvain Darrifourcq : on n’est ainsi que peu surpris de le retrouver dans ces climats volontiers malsains et étranges, à l’image de « Ermine Showder » où sa clarinette basse semble se frayer un chemin dans les nappes denses de l’électronique sur lesquelles la trompette s’alanguit. Dans le premier morceau de ce court album, « Racoon With Wound », c’est l’alliance des soufflants qui triomphe de la nébuleuse induite par Khroustaliov et le batteur Tim Giles. On pourrait croire qu’il s’agit d’une musique minimaliste, où chaque mouvement est scruté, mais c’est davantage une mise en place. L’enjeu est la pièce centrale, ce « The Rats Of Gillet Square » qui transporte dans un univers confiné et dérangeant, sous la mitraille de la batterie. Le rôle du ténor d’Allsopp est alors de composer avec les flux combinés des tambours et les remous de l’électronique pour porter la musique à ébullition, sous les sifflements lointains de l’embouchure de Bonney.
Si les climats de Semiconductor Taxidermy For The Masses doivent beaucoup à l’agencement des sons travaillés par Isambard Khroustaliov, qu’on avait tant aimé dans In The Gloaming, c’est bien la somme des quatre improvisateurs qui fait vivre cette musique qui, si elle plonge ses rhizomes dans un ambient très sombre, sait chercher la lumière dans la chaleur de ses soufflants. Paru sur le beau label Not Applicable, elle présente une vision de la créativité des îles britanniques telles qu’on les aime. Radicales.