Quand la lune a rendez-vous avec le soleil…
Éric Löhrer en solo et en quartet au Sunset (Paris) le 7 janvier 2009
Le guitariste Éric Löhrer commence l’année 2009 avec un concert au Sunset retransmis sur TSF, dans l’émission « Jazzlive » présentée par Jean-Charles Doukhan. La petite salle est comble. Le public dément la rumeur selon laquelle « le jazz est une musique de vieux » : sa typologie va de l’étudiant de sortie au quatrième âge en goguette. Il faut dire que le guitariste Eric Löhrer a fait parler de lui en 2008 : sortie de Sélène Song en quartet, réédition d’évidence, nombreux concerts dont ceux avec Ibrahim Maalouf, émissions de radio…
Retransmission radio ou pas, le concert commence avec près de trente minutes de retard. Comme d’habitude Stéphane Portet introduit le concert. Il en profite pour rappeler l’initiative « Jazz et goûter » [1] et stigmatiser les crêpes du coin de la rue qui ne valent pas les assiettes nordiques du club…
- Eric Lohrer © H. Collon/Vues sur Scènes
Le concert se déroule en trois parties. Löhrer entame la première en solo à la Gibson L50 en reprenant six des treize morceaux qui composaient évidence, consacré à Monk : « Pannonica », « Epistrophy », « Ruby My Dear » s’enchainent… Il y ajoute « Think Of One », qui ne figure pas pas sur disque. Comme souvent en live, l’humeur est plus chaleureuse que sur le disque même si la guitare sonne moins acoustique. Il faut s’arracher à la contemplation des doigts pour rester attentif à la musique. Löhrer procède par brisures et saccades et ses développements sont bien dans l’esprit de Monk. Ce « récital » - selon la formule humoristique de Löher lui-même – s’achève sur « Bye-Ya ». Au tour du quartet d’entrer en scène.
Löhrer l’a formé en 2004 avec Jean-Charles Richard au soprano (et au sahnai), Éric Surmenian à la contrebasse et Patrick Goraguer à la batterie. Le premier set reste dans la lignée de Sélène Song dont ils reprennent en partie le répertoire : « Bonne fortune », « Tetradrome », « Boréal »… Le guitariste a troqué sa L50 pour une SG Custom qui lui permet davantage d’effets électriques. Son accompagnement, sobre, laisse de l’espace à ses partenaires qui peuvent donner libre court à leur imagination. Jean-Charles Richard a une belle sonorité soyeuse mais également un phrasé d’une fluidité remarquable. Par ailleurs, il sait faire monter la pression, aussi son jeu met-il beaucoup de piment dans l’ensemble. Au démarrage, la contrebasse de Surmenian semble un peu étouffée dans cette petite salle sur-sonorisée. Mais quand le quartet atteint son équilibre, sa ligne se révèle subtile, les accents placés à bon escient et les solos judicieux. Goraguer commence le concert en puissance, puis revient à un « drumming » plus léger, délié et mélodieux. Les quatre acolytes se connaissent bien et ça s’entend : les rôles sont clairement définis, personne n’a la vedette. Ce qui donne une bonne dynamique de groupe, caractérisée par une mise en place précise et des voix qui se croisent en souplesse. Au second set, encore plus réussi, les musiciens prennent plus de risques, s’éloignent de Sélène Song ; la tension grimpe d’un ton. Le quartet incorpore des ingrédients rock, free, voire world, notamment dans une interprétation solennelle du majestueux « India » de Coltrane. Pour l’occasion, J.-Ch. Richard joue du sahnai et Löhrer sort sa Danelectro U2 - ambiance aérienne garantie.
Que ce soit en solo ou en quartet, de Monk à Trane en passant par ses propres compositions, Eric Löhrer a offert ce soir-là à son public un très bon moment musical - varié, accessible et consistant.