Entretien

Sixun

Entretien au Paris Jazz Festival 2006

25 juin 2006, Parc Floral de la Ville de Paris

Fin de matinée. Les balances prennent un petit peu de temps. C’est qu’il y en a du bazar sur scène ! L’habituel arsenal du plus fameux étendard de la fusion hexagonale est de sortie. Comme pour confirmer ses légendaires absences, Paco Séry est le seul qui manque à l’appel. Cela n’a pas l’air d’émouvoir plus que cela les autres membres de l’équipe. Il arrivera pour finir quelques minutes avant le concert.

Pendant que le trio de Mario Canonge prend à son tour ses marques sur scène, nous retrouvons dans leur loge la moitié de Sixun : Alain Debiossat, Jean-Pierre Como et Louis Winsberg. Ils livrent ici quelques précieux échanges sur ce « come back », mais aussi sur la suite d’aventures que l’on souhaite réussies.

  • On sait maintenant que les deux « soirées anniversaire » de vos 20 ans à La Cigale en septembre dernier n’étaient pas qu’une simple commémoration. Sixun repart pour de bon ?

Jean-Pierre Como : Effectivement. Nous allons faire une tournée des 20 ans. Il y a plusieurs concerts prévus à l’automne.

  • Vous avez prévu d’enregistrer un nouvel album ?

J-P C : Oui oui… Normalement on devrait enregistrer dans l’année qui vient, mais il n’y a encore rien d’établi. C’est effectivement un projet. Pour le moment, on fait la tournée « des retours »…

  • Il s’agit de jouer sur scène une sorte de « best of » de Sixun ?

Alain Debiossat : Oui, en fin de compte c’est une espèce de compilation de tout ce qu’on a joué depuis le début de Sixun. Et puis on commence à inclure des nouveautés aussi. C’est vrai qu’on prévoit d’enregistrer de nouveau, mais il faut du temps pour concevoir un nouvel album. Il faut écrire de nouveaux thèmes, et ça demande du temps. Pour l’instant il y a deux nouveaux morceaux, et puis à la rentrée il y en aura d’autres. Ça va se faire petit à petit.

  • Comment composez-vous ?

A.D : Concrètement, il n’y a pas de concret ! Du moins c’est toujours un peu abstrait au départ…

J-P. C : En fait, moi je pense que là, c’est d’abord bien de se retrouver. On a inclus deux nouveaux morceaux pour donner un peu de sang neuf, mais je pense que l’essentiel c’est quand même de se retrouver. Ça fait sept ans que nous n’avions pas joué ensemble, donc il s’agit de se faire plaisir, de retrouver nos marques… Et puis à la rentrée, on va peut-être réfléchir à un projet. Mais si on envisage une suite, il va falloir voir comment on va travailler.

  • Vous composez tous par ailleurs pour d’autres formations. Quand il s’agit de trouver des idées pour Sixun, vous avez une couleur ou une identité à respecter ?

Louis Winsberg : Justement, il va falloir que Sixun ressemble à ce que nous sommes tous maintenant. Que l’on ne se cantonne pas à faire du Sixun, c’est ça qui peut être intéressant. Il faut faire ce que l’on envie de faire, maintenant, 20 ans après. Pour nous, se cantonner à essayer de composer dans l’optique Sixun, c’est une limite. On a tous changé, même s’il y a un son quand on joue ensemble. Enfin, à mon sens, c’est ça qui sera intéressant… Et puis on a plus le même âge que quand on a commencé le groupe ! Nous n’avons plus les mêmes envies, même si on a gardé une énergie commune et un son malgré nous.

L. Winsberg © J.-M. Laouénan/Vues sur Scènes
  • Avec tous les automatismes que vous pouvez avoir maintenant, Sixun n’est-il pas un groupe « récréation » ?

A.D : Ah non ! Sixun ce n’est pas du tout de la récréation ! Cela a déjà été un gros travail pour retrouver le son que nous avions, et puis pour retrouver cette « énergie formidable qui nous caractérise » ! (rires) J’ai lu ça dans un article de presse, j’aime bien… Non, plus sérieusement, c’est pas évident de s’arrêter et de reprendre un groupe comme ça. C’est un groupe assez pointu au niveau du son. Il faut que tous ces sons s’imbriquent les uns dans les autres… Et puis aujourd’hui nous sommes au XXIè siècle, et nous, on est un groupe du XXè ! Il faut s’adapter. Et puis, comme disent Jean-Pierre et Louis, il faut surtout que chacun se retrouve avec ses envies de maintenant.

  • Comment avez-vous finalement choisi les morceaux de votre live enregistré à La Cigale ?

L.W : C’était un bon moment… On avait fait ça au restaurant. À un moment donné, c’était tellement le bordel qu’on a fait un vote à main levée pour ne jouer que les morceaux qui faisaient l’unanimité. On en avait tellement sur la liste de base ! Du coup, on a quand même trié, et gardé seulement ceux qui avaient les voix de tout le monde.

A.D : C’est tout à fait ça. On a fait le vote à l’humanité ! (rires)

  • Avec le recul, comment jugez-vous cet enregistrement ?

J-P.C : Ah moi j’en suis franchement content. Enfin nous, en tout cas, il nous plaît.

A.D : Moi je pense que tout le monde est content ! Sixun, le public, le producteur, les enfants… Tout le monde est content ! C’est aussi pour ça que ce serait bête d’arrêter maintenant ! Par contre, on va avoir du boulot pour fêter nos quarante ans…

J-P.C : Mais c’est ça qui est intéressant !

  • C’est assez drôle de voir qu’aujourd’hui, et sept après la tournée de Nouvelle vague, vous avez exactement la même disposition, quasiment le même matériel… Vous repartez quand même sur vos bases !

L.W : Justement, ça c’est peut-être un truc qu’on a envie de changer… Là, on est encore dans la suite de l’anniversaire, mais peut-être qu’avec le travail et la recherche, on changera tout ça. Mais c’est vrai qu’il faut que l’on parle entre nous. Et c’est toujours un peu la foire dans Sixun quand on se met à parler… Donc ça peut être long !

A.D : Ouais… C’est vrai que parfois, pour changer un tout petit truc dans Sixun, ça peut prendre des années ! C’est pour ça qu’on est reparti sur des bases un peu établies. Quand on s’est arrêté, on avait joué une quinzaine d’années pour arriver à ce résultat. Donc moi le premier, j’aurais eu envie de changer des choses. Mais on se rend compte que ce n’est pas si facile que ça, et que ce n’est peut-être pas ce qu’il faut faire. Après, si les choses doivent changer, elles changeront.

L.W : C’est vrai. On s’est posé cette question. Mais en choisissant de reprendre des anciens morceaux, il était évident que ce répertoire allait sonner avec une certaine formule de son. Ce qui explique le peu de changements dans notre configuration.

A.D : Pour l’instant, chacun doit avoir ses idées sur la chose. Il va falloir essayer de mettre ces idées-là dans la musique, et puis après on va voir comment ça va se passer. Mais c’est dur d’en parler aujourd’hui. Par contre, si personne n’avait d’idées, là ça serait inquiétant. Mais je crois que tout le monde en a…

L.W : Oui, et puis Sixun a toujours fonctionné comme ça. On est tous très différents, mais on écoute toujours ce que l’autre a à dire. Et puis un partage se fait. Cela s’est réalisé à une certaine époque, avec un son. Je crois qu’on est capable de le faire aujourd’hui. C’est sûr.

  • Et vos projets personnels par ailleurs ? Louis, tu continues ton projet Jaleo ?

L.W : Oui, absolument.

  • Jean-Pierre ?

J-P.C : Moi j’ai un nouveau projet qui va sortir en octobre, et qui n’a rien à voir. C’est un projet qui mêle le piano avec un orchestre de 27 musiciens. Ça va s’appeler L’âme sœur. C’est différent, très écrit…

J.-P. Como © J.-M. Laouénan/Vues sur Scènes

L.W : On peut le dire… ( sourire)

J-P.C : Oui. Moi j’ai composé, et puis j’ai travaillé avec une personne géniale qui est Pierre Bertrand, le co-fondateur du Paris Jazz Big Band. Il a tout arrangé pour l’orchestre, apporté des idées. On a vraiment réalisé le disque tous les deux.

  • Et toi Alain ?

A.D : Et bien moi je fais plein de choses en fin de compte. Je joue de la guitare aussi [1]

L.W : Tiens, voilà une piste pour le futur de Sixun ! Je vais le tanner pour qu’il joue de la guitare !

A.D : Oh non…Il y a déjà un bon guitariste dans Sixun, donc ça suffit comme ça !

L.W : Oui mais deux guitares, ça peut être bien…

A.D : (sourire) Enfin tout ça pour dire que j’aime bien jouer de la guitare en petites formations, trio ou quartet. J’aime bien jouer du sax en même temps, chanter, amener des textes… Pour l’instant je n’ai pas fait d’album avec ce projet-là. C’est très long à mettre en forme. Il y a plein de musique composée, et maintenant il faut essayer de l’enregistrer. En tout cas j’ai plein d’idées. Ce n’est pas ça qui manque ! Après pour les réaliser, c’est toujours un problème de temps. Enfin, je ne sais pas pour vous… Mais déjà réaliser une idée, c’est, comme on dit, la croix et la « lanière » !
(rires)

A. Debiossat © J.-M. Laouénan/Vues sur Scènes
  • Je suppose que vous n’écoutez plus les mêmes musiques qu’il y a 20 ans ?

A.D : C’est vrai. On écoute des choses beaucoup plus anciennes. Jean-Pierre s’intéresse à la musique classique, moi aussi… Tout ce qui est musique baroque…

  • Et toi Louis ? Toujours branché par les musiques du Sud ?

L.W : Je vais finir par me faire étiqueter ! J’écoute beaucoup de flamenco, c’est vrai. Mais dans l’ensemble, j’écoute peut-être moins de musique qu’à une époque. C’est peut-être parce que je passe mon temps à en faire, donc parfois, j’ai envie de faire autre chose… Mais quand j’en écoute, j’aime bien les musiques traditionnelles du monde. J’aime beaucoup la voix aussi, la musique chantée.

  • Il y a d’ailleurs des albums de Sixun où la voix est très présente…

L.W : Oui, je crois qu’on a toujours aimé ça aussi. Alors après, se pose toujours la question : comment placer la voix, quelle sorte de voix etc. Tout le monde a un avis là-dessus parce qu’on aime ça.

A.D : Oui, et puis durant toutes ces années où Sixun était en stand-by, nous avons tous joué avec des chanteurs. Je pense qu’il fallait aussi s’arrêter pour aller explorer cet univers, aller au contact de gens dont l’instrument est la voix.

J-P.C : Moi, je trouve que dans Sixun on a toujours utilisé la voix d’une certaine manière. Souvent comme des chœurs, ou des choses apparentées. Je ne sais pas, mais si on envisage un projet avec des voix, je pense qu’il faudra aller plus loin que ça. Je pense qu’il y a mieux à faire que de simples backgrounds… Avec la voix, on a finalement assez peu approfondi.

A.D : Oui, mais quand tu rentres dans un contexte où il y a de la voix et que la voix devient lead, ça change la musique. Et je ne pense pas qu’il faille casser le son de Sixun.

L.W : Et puis je pense que ça ne marche pas forcément avec ce groupe dès que nous avons à accompagner un lead. Enfin ça devient autre chose… C’est compliqué ! Il faut que cela soit autre chose que des chœurs, et autre chose qu’un lead accompagné…

J-P.C : Enfin je disais ça parce que tout le monde a sa façon de voir le truc. Moi, j’ai une autre idée… Mais il faut qu’on en parle !

Sixun © J.-M. Laouénan/Vues sur Scènes
  • Pour l’anecdote, quel est votre album préféré de Sixun ?

J-P.C : Moi je les aime tous ! Mais je dirais Nomad’s Land et Lunatic Taxi.

L .W : Il y avait aussi de chouettes compos dans L’eau de La… Mais c’est vrai que c’est rigolo. Les gens nous disent toujours « mon préféré c’est celui-là », et ce n’est jamais le même !

J-P.C : Oui, enfin moi j’ai souvent entendu Nomad’s Land

A.D : Pour ma part, celui que j’écoute de la manière la plus agréable, c’est le dernier live. Je pense qu’on a joué la musique un peu plus cool que d’habitude, et le résultat est super. Enfin c’est vrai que Nomad’s Land n’est pas si mal… D’ailleurs, pour ce live, on a repris beaucoup de morceaux de disque.

par Benoît Lugué // Publié le 14 août 2006

[1notamment avec la chanteuse Elizabeth Caumont (ndlr)