Chronique

The Khoury Project

Revelation

Basil Khoury (vln), Osama Khoury (qânoun), Elia Khoury (oud), Guillaume Robert (b), Inor Sotolongo (perc), Toussef Hbeisch (perc, 4,5,7,8,9)

Label / Distribution : Enja Records

S’il existe un instrument qui montre que la musique est un langage universel fait d’appropriations et d’emprunts, d’échanges et de mimétismes, c’est bien le qânoun. Avec cette orthographe, puisque c’est ainsi qu’Osama Khoury l’écrit sur Revelation, le disque qu’il a enregistré avec ses frères au sein du Khoury Project. Mais selon que vous soyez originaire de Jordanie comme ces derniers ou grec comme le maître du kanonaki, Panos Dimitrakopoulos, la cithare de table ne portera pas le même nom. On lui trouvera aussi des cousinages avec le cymbalum hongrois. Plus qu’un instrument, c’est donc un voyage. Celui-ci commence ici dès l’« Intro » lorsque le qânoun se laisse aller à une rêverie solitaire.

Pourquoi ne pas poursuivre ce voyage ? C’est la question posée par les frères Khoury quand ils mêlent leur trio à cordes traditionnel, violon pour Basil Khoury et oud pour son frère Elia, à deux musiciens venus d’autres horizons. Le contrebassiste Guillaume Robert apporte une profondeur et une stabilité rythmique qui permet au qânoun et au oud de deviser en toute quiétude. C’est lors de la mise en musique des Aventures du Prince Ahmed, film d’animation muet des années 20 de Lotte Reininger que le trio a rencontré Robert, entre autres musiciens de jazz tels le tromboniste Jean-Louis Pommier. Le vocabulaire du jazz n’est donc pas étranger aux frères Khoury ; on le constate d’ailleurs dans le très dense « A Walk in The Old City » où le violon entraîne en son sillon toutes sortes de rythmes contraires qui stimulent de brillantes improvisations.

L’autre comparse des frères Khoury, le percussionniste cubain Inor Sotolongo, ouvre à lui seul de nouveaux horizons. Ce compagnon de route de Paco Sery colore avec discrétion un propos qui passe outre les frontières sans en faire une posture (« Quick Five ») ; quand le grand percussionniste palestinien Youssef Hbeisch, collaborateur régulier d’Aka Moon, du Trio Joubran ou de sœur Marie Keyrouz le rejoint sur quelques morceaux, un dialogue universel s’amorce et trouve son point d’orgue sur « Zyryab », reprise live d’un morceau de Paco de Lucia où le qânoun achève sa subtile mutation en guitare flamenca. Revelation conviendra autant aux amoureux de la musique orientale traditionnelle qu’à ceux qui ne comptent plus les visas sur leur passeport musical.