Chronique

Michael Attias

Quartet Music Vol. II : Kardamon Fall

Michaël Attias (as), Santiago Leibson (p), Sean Conly (b), Tom Rainey (d).

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Quelques mois après un premier volume d’un travail de longue haleine en quartet, qui nous présente de nombreuses facettes de son jeu si reconnaissable, Michaël Attias nous propose de réviser un peu notre mythologie. Au moins pour le titre de l’album, Kardamom Fall, et pour le titre du premier morceau emblématique de son style, « Kardamom Spring » : le Mont Pélion en Grèce, la chute des Centaures, tout ici est bâti pour stimuler l’imaginaire. Il ne s’agit pas d’une histoire à raconter, mais davantage d’un lieu à investir, où les musiciens pourraient décider de nouvelles topographies. À ce titre, c’est une joie de retrouver Tom Rainey à la batterie dans ce nouvel équipage, où son jeu précis et très coloriste contribue à instaurer un climat où l’acidité se confronte à une grande douceur (« Mind Fondue »). C’est le sujet de « Manners » où les atomes colemaniens d’Attias trouvent dans son vieux camarade pianiste Santiago Leibson une opposition de choix.

Dédié à la femme-centaure, sorte d’alliance de puissance et de grâce, on retrouve ce point de rupture tout au long de l’album. Il nourrit tout autant les ballades (« Avrils »). Déjà sensible avec LumiSongs, le travail d’Attias et Leibson est ici la clé de ce propos très contemporain ; c’est le secret de cette mécanique, avec le travail très subtil de Tom Rainey et du contrebassiste Sean Conly, qu’on avait déjà pu entendre aux côté de Joe Fiedler. Cette doublette rythmique furieusement new-yorkaise offre de subtiles enluminures et des écrins pleins de douceur pour le piano et l’alto, à l’image de « Voies » où l’on retrouve la facette très mélodiste de Michaël Attias.

C’est avec le long « The Angel Fold », en toute fin d’album, qu’on trouve la formule idéale d’un quartet où tout est pesé pour rester le plus délicat possible. C’est d’abord le dialogue soyeux entre la batterie et le piano qui construisent un propos clair obscur dont Attias se soustrait. C’est lorsque la tension monte progressivement, à mesure que la main gauche de Leibson s’alourdit, que le saxophone rompt le silence ; la grande rigueur de Michael Attias est alors de ne pas renverser la table. Il entre dans le jeu avec toute la douceur possible, aux côtés d’un piano devenu concertant et joliment chambriste. Kardamon Fall est la version crépusculaire de LumiSongs, avec la grâce d’un soleil qui s’éteint sur la mer.

par Franpi Barriaux // Publié le 13 avril 2025
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