Scènes

Anne Quillier au Pannonica

Après un premier album salué ici, Anne Quillier nous offre un deuxième disque qui confirme tout son talent. Citizen Jazz en profite pour se souvenir de leur premier concert au Pannonica.


Photo : Frank Bigotte

Issu du collectif Pince Oreilles, basé en région lyonnaise, le sextet d’Anne Quillier a publié un premier disque très réussi, Daybreak (Pince Oreilles, 2015), puis un second, Dusty Shelters, tout aussi excellent. Retour sur leur premier passage au Pannonica.

On ne peut pas dire que Daybreak, le premier disque du sextet, salué par un Elu sous la plume de Denis Desassis, nous avait complètement pris au dépourvu car Anne Quillier et son groupe avaient remporté le concours de la Défense en 2013.

Ce premier album a été l’une des belles réussites de 2015, faisant naître une curiosité qui avait nourri notre impatience de les découvrir sur scène. Avec Dusty Shelters sorti en janvier dernier, Anne Quillier et ses compagnons de musique ont confirmé tout le bien que l’on pensait de ce sextet en livrant un album totalement réussi.

Lors de leur passage au Pannonica, dans le cadre de la tournée ayant suivi la sortie de Daybreak, nous avions apprécié de les découvrir sur scène, de voir et d’entendre cette joyeuse bande aux prises avec les compositions subtiles, rythmiquement et mélodiquement, signées par la pianiste. Des compositions très personnelles, avec une vraie marque de fabrique. Dès les premières notes, on reconnaît la touche Quillier : des mélodies qui vous accrochent tout de suite, un rythme qui traverse les morceaux et qui en fait toute la richesse.

Affichant sans détour ses amours pour les auteurs de BD (notamment Manu Larcenet), Anne Quillier semble puiser son inspiration dans des mondes autres que celui de la musique, et du jazz en particulier. Ce qui ne l’empêche pas de démontrer son talent de leader et d’arrangeuse pour un sextet : la musique circule avec bonheur et beaucoup de liberté d’un musicien à l’autre, avec beaucoup de naturel en dépit de la complexité de certains passages. On sent les cinq musiciens qui l’entourent réellement investis dans la musique de la compositrice, totalement au service de l’ensemble, avec une vraie jubilation. Le spectateur remarque aussi la discrétion de la pianiste sur scène, presque en retrait, discrète. Elle laisse de la place à ses compagnons. Il faut attendre la seconde partie du concert pour la voir prendre un solo. Et là, elle démontre qu’elle est également une instrumentiste extrêmement talentueuse, qui a des choses à dire et les exprime magnifiquement bien. Elle aime les graves, les constructions rythmiques complexes dans l’accompagnement, se lance dans des solos riches et denses, tout en décalages rythmiques, entre piano et autres claviers.

Surtout, ce qui signe la musique d’Anne Quillier, c’est sa science des tensions/relâches, des surprises, des univers singuliers. La musique de Quillier raconte des histoires avec des mélodies accrocheuses, des rythmiques qui font bouger les pieds, tout en étant très personnelle et complexe dans son architecture.

Un premier concert nantais qui nous avait beaucoup plu, où seul pouvait manquer un peu plus de lâcher-prise. Il est certain que l’histoire se poursuivant, avec le sextet mais également avec le trio Blast et le duo Watchdog (lauréat de Jazz Migration), Anne Quillier va continuer de s’imposer comme l’une des musiciennes et compositrices marquantes des années à venir.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 14 mai 2017
P.-S. :

Anne Quillier (p, Fender, comp), Aurélien Joly (tp, bgl), Grégory Sallet (as, ss), Pierre Horckmans (cl, bcl), Michel Molines (b), Guillaume Bertrand (dm).