Chronique

Bribes 4

Bribes 4

Romain Clerc-Renaud (p), Geoffroy Gesser (ts), Isabel Sörling (voc), Yann Joussein (dms)

Label / Distribution : Coax Records

En 2014, lorsque parait le premier album de Bribes, le duo du pianiste Romain Clerc-Renaud et du saxophoniste Geoffroy Gesser, la matière était au cœur de l’échange de souffle et de frappe. Elle est travaillée à même la trame, brute et rugueuse. Le ténor griffait l’air de longues vagues monochromes. Au sein du collectif COAX, le saxophoniste de Un Poco Loco et le clavier de Novembre exprimaient une volonté d’explorer une frange bruitiste commune au Rock et au Free Jazz. Avec Bribes 4, le duo se double de deux invités, et non des moindres : de la même génération née des collectifs, le batteur Yann Joussein et la chanteuse Isabel Sörling apportent à l’atmosphère quelques sublimations hallucinogènes qui propulsent immédiatement ce court album dans un climat étrange et fantomatique.

Ainsi, « Ciel », où la voix-instrument diaphane de Sörling donne au clavier un écho supplémentaire et déformé, passé par le tamis des rêves ; la chanteuse est coutumière de ces paysages avec Cabaret Contemporain. En toile de fond Joussein, dont l’incontournable Phoque Eventré est décidément une référence pour ces musiques, travaille avec vigueur une pulsation agressive. C’est une tentative désespérée de s’accrocher à une hypothèse de réalité. Une sensation qui perdure avec « I Have No Name », où le ténor de Gesser est assailli par la batterie, avant de convulser dans un cauchemar électronique. Le texte de William Blake, habité par l’impassible Suédoise, crée comme une dissociation troublante dans laquelle s’engouffrent toutes sortes d’éclats délétères.

L’univers de Bribes se durcit en passant à quatre têtes. Il catalyse désormais une forme de rock synthétique, suggéré dès « Josie » par une rythmique opiniâtre et un saxophone assez proche de ces Power Trio chers aux productions BeCoq ou COAX (DDJ, Hippie Diktat, SNAP ou encore Kouma) et tout en même temps une Noise sans concessions dans le brusque « Trap ». Ceci garde étonnamment une certaine sensualité éthérée qui flotte dans la pénombre inquiétante d’une musique lancinante capable d’exploser à chaque instant. C’est cette dichotomie qui fait le charme de cet album.