Chronique

Charles Kieny

CrozPhonics

Charles Kieny (acc, comp), Bruno Ducret (vlc), Sary Khalifé (vlc).

Label / Distribution : CKRAFTPROD / Inouïe Distribution

Où l’on retrouve Charles Kieny, loin de la fureur de son quintet CKRAFT. Car cette fois, l’accordéon de ce jeune musicien n’est plus augmenté mais livré à lui-même, libéré de toute tension électrique. Et pour engager la conversation avec son souffle, les cordes de deux violoncelles (ici ceux de Bruno Ducret [1] et Sary Khalifé) définissent la grammaire et les nuances d’un langage dont les consonances et la pulsation seraient celles d’un jazz de chambre contemporain, un creuset aux couleurs oniriques où se fondent les musiques qui habitent Charles Kieny, faisant naître un folklore imaginaire connecté au moment présent.

L’histoire a commencé il y a quelques années à la faveur de master classes dans la petite commune de Villecroze. Là-bas, une nuit blanche a favorisé l’éclosion des premières compositions, constituant l’acte de naissance de CrozPhonics. L’accord entre les violoncelles, la richesse de leurs timbres semblaient naturels. Charles Kieny conciliait ainsi des passions qui sont pour lui les deux faces d’une même pièce sonore et, ce faisant, effectuait un grand écart stylistique : d’un côté, une musique amplifiée jouée très fort et mue par l’urgence (CKRAFT) ; de l’autre la finesse de textures et de climats sensibles, une écriture expressionniste aux possibilités multiples, minutieusement élaborée (CrozPhonics).

Si l’idiome de CrozPhonics se rattache au jazz en raison des temps d’improvisation au cœur des compositions, il n’en répond pas moins à un processus de « composition continue » et offre une narration articulée en thèmes écrits et structurés. La musique met en scène des histoires disant la vie, construites par briques successives dont le scénario est échafaudé en partant d’un début pour parvenir à une fin (ainsi « Race For Hope », disponible aussi en vidéo). Cette musique tient en haleine, tant par ses facultés narratives que par une interprétation que chacun des musiciens habite au plus près de sa vibration intérieure.

L’EP et la vidéo de « Race For Hope » sont la carte de visite du projet CrozPhonics et de l’album annoncé pour l’année prochaine. Soit une belle signature présentant le trio en deux temps : un enregistrement studio (le single « Race For Hope ») et la captation live à Villecroze au mois de septembre 2022 de quatre titres (« Rebirth », « Dairanto », « Babel, Babbling », « Within Our Realm »). On découvre un répertoire à la fois savant et immédiatement accessible, à même de concilier de nombreux publics. La joie est double : on peut s’émerveiller dès à présent tout en savourant le plaisir singulier de l’attente. Celle d’une histoire en cours et de l’album à venir : réjouissances garanties !

par Denis Desassis // Publié le 3 septembre 2023
P.-S. :

[1Remplacé depuis par Lina Benaïd.