Chronique

Claude Tchamitchian Trio

Naïri

Claude Tchamitchian (cb), Catherine Delaunay (cl), Pierrick Hardy (g)

Label / Distribution : Emouvance

Claude Tchamitchian propose un trio qui s’inscrit dans la grande tradition française d’une musique chambriste issue du jazz. Privilégiant la belle écriture, valorisant l’acoustique des instruments et la circulation des idées et des sons, il livre quatre suites qui s’écoutent d’un seul tenant. Avec ce nouvel hommage (on songe au disque Traces) à l’Arménie dont il est originaire et à laquelle il reste irrémédiablement attaché, il ajoute une nouvelle pierre à une œuvre qui ne se revendique pas comme telle mais se construit au fur et à mesure.

Depuis longtemps maintenant, avec un goût tous azimuts pour des formes variées (du solo au grand ensemble), porteuses à chaque fois d’un sens supplémentaire, le bassiste a définitivement trouvé ce qui l’anime : une musique lyrique teintée d’une mélancolie avivée par le tempo et le rythme. Cette fois, dans cet orchestre minuscule qui fait écho à Poetic Power, autre trio plus direct chez qui, déjà, il jouait le titre « Katsounine » qu’on retrouve ici, il s’intéresse à l’équilibre que trouvent trois personnalités quand elles explorent des thèmes sensibles et d’une belle lisibilité.

Naïri est le premier nom d’une Arménie ancestrale et fantasmée, peuplée de tribus. Cette terre de légendes et de poésie est le lieu que Tchamitchian investit en lui donnant, tour à tour, des couleurs sereines et nostalgiques ou un caractère plus tragique. En cela, la clarinette de l’indispensable Catherine Delaunay est le chant qui s’élève, sobre et juste. Elle emporte l’auditeur dans des circonvolutions gracieuses en s’enroulant avec finesse dans la guitare claire de Pierrick Hardy. Tenant droit la barre du chemin à parcourir, par son sens de la mesure et la précision de son geste, il est l’élément de stabilité, complémentaire du caractère félin de la contrebasse.

Car le bon fonctionnement du trio vient de ce que chacun a su trouver sa place en s’appropriant les fonctions harmoniques et rythmiques avec retenue et un sens du partage qui rend l’ensemble coulant, à tout instant agréable à suivre. Du reste, quelques décrochages ouverts font souffler une spontanéité vive qui redynamise le propos et lui donne un supplément de richesse.