Daniel Levin / Rob Brown

Après s’être entrainés, entraidés, avoir confronté leur jeu pendant plusieurs années dans le cadre d’un trio, c’est quasiment sans l’avoir prémédité que Rob Brown et Daniel Lévin ont enregistré ce Divergent Paths à Coimbra, au Portugal, alors qu’ils bénéficiaient de deux jours « de battement » suite à la décision d’une élégante compagnie aérienne d’annuler l’un de leurs avions. La vie des improvisateurs est ainsi faite. Elle est parcourue de rebondissements qu’il faut saisir au bon moment.

Du souffle, des cordes, du bois et quinze ans de jeu en commun. Il ne leur faut pas plus pour engager les échanges. Un nouveau jeu. Précisons qu’entre Rob Brown et Daniel Levin, il n’est pas question que l’un se serve de l’autre comme faire-valoir. Ici, on est amis et on joue à armes égales. Le saxophoniste a peut-être la prérogative mélodique – son jeu, leste et clair, ne plombe jamais l’écoute – il ne fait qu’ouvrir un champ d’action total au violoncelliste. Levin, lui, dispose de qualités d’explorateur de fond de court, cherche toutes les formes possibles de résonance et de maniement de son instrument, avant d’attaquer avec ces méthodes de jeu non-conventionnelles, celles dans lesquelles il excelle. Il rétorque donc volontiers et avec souplesse aux directions nouvelles que lui indique son homologue soufflant. Ici, on breake et, ici, finalement, on se détend.

Du « Dialogue » jusqu’à la balle de match (« Match point »), la divergence n’est jamais qu’ironie. Levin séduit, joue à faire se rapprocher les timbres, les graves, parfois avec un mimétisme qui concourt à l’illusion sonore et prouve que tous les sons se rejoignent et se soutiennent, progressent sur deux couloirs alignés. Brown, lui aussi issu de cette génération de free jazzmen new-yorkais, qui décomplexe, simplifie, et pourtant ne cesse jamais d’inventer, trouve des ouvertures et marque. Trois sets d’une efficacité redoutable qui se terminent (bien entendu !) sur un service/volée, de toute beauté.