Chronique

Dash !

Dash ! Off

Maarteen Ornstein (ts, ss, bcl), Alex Oele (b), Eric Hoeke (dms), Michael Moore (as, cl, 1), Joost Buis (tb, 1), Jasper Stadthouders (g, 1), Joshua Samson (perc, 1)

Label / Distribution : Autoproduction

Il y a dix ans, Dash !, le groupe néerlandais du multianchiste Maarteen Ornstein était un octet. Les influences multiples palpitaient au gré des musiques du monde et exploraient les Balkans, l’Inde, et toutes sortes de pulsations qui permettaient à son leader de développer l’élégance de sa clarinette basse. Avec Lowpass Heroes, en 2013, il est réduit à un trio dont la base rythmique se limite à la batterie d’Eric Hoeke, et à la basse électrique d’Alex Oele, deux figures de la scène hollandaise. Dans Dash ! Off, le dernier disque en date de cet orchestre, le trio démontre sa puissance dans un morceau comme « Milly » où la basse étreint ses compagnons avec obstination.

Au sujet de Dash !, Ornstein, qu’on a pu entendre en duo avec la pianiste islandaise Sunna Gunnlaugs, parle de free funk. Le terme peut paraître galvaudé, mais la lourde basse et la batterie pleine de groove donnent envie de sautiller et d’écouter tout cela à fort volume, c’est un fait. Un funk qui aurait croisé Don Cherry en route, et ne serait pas redescendu : les secousses insistantes du saxophone sur « Chimney » et les détours pris par le trio rendent la danse un tant soit peu désordonnée… Et intrinsèquement plus excitante ! Comme à l’époque de l’octet, les racines sont à chercher ailleurs, et même un peu partout. Le remarquable « Al Fadimem », où la clarinette empreinte à l’Orient quelques gammes, le prouve sans exotisme outrancier.

Ce nouveau disque de Dash ! est surtout l’occasion de renouer avec les formations plus larges. De fait, on pourrait même considérer qu’il y a deux albums en un, certes complémentaires mais différents. Avant la prestation du trio, Ornstein invite sur un morceau de plus d’une demi-heure quelques figures du jazz batave, à commencer par Michael Moore qui double avec bonheur et puissance la clarinette contrebasse et le tromboniste Joost Buis, un vieux complice de Ab Baars ou de Steve Horowitz. Roborative, la « Suite Dash ! Off/Up & Down Hell/Safe Passage/Dash ! Off » permet de se saisir d’un thème singulièrement saignant de l’orchestre pour le jeter en pâture à ses improvisateurs. Le double trio alterne avec gourmandise les moments plus abstraits et les coups de boutoirs, très souvent portés par la guitare de Jasper Stadthouders, le contrepoint parfait de la basse de Oele. C’est cette suite très colemanienne (tendance Ornette, mais ouverte à toutes alliances) dans sa construction qui fait toute la saveur d’un album qui rappelle qu’Amsterdam est une place forte de l’improvisation européenne.