Chronique

Didier Levallet Quintet

Songes, Silences

Didier Levallet (b), Jan Vanek (g), Airelle Besson (tp), Sylvain Rifflet (cl, saxes), François Laizeau (dms)

Label / Distribution : Sans Bruit

Aussi discret ces dernières années sur le terrain discographique que présent sur scène et dans l’organisation d’une politique culturelle cohérente et florissante, tant à Cluny (Jazzcampus en Clunisois) qu’à l’Allan, la scène nationale qu’il dirigeait jusque très récemment à Montbéliard, le contrebassiste Didier Levallet livre aujourd’hui Songes, Silences sur le label sans bruit [1]. Une luxueuse digression poétique qui met en avant son aisance de leader et la qualité de son écriture. Pour ce quintet remarquable, il mélange plusieurs générations, comme il le fit pour l’ONJ qu’il dirigea de 1997 à 2000. Ainsi, aux côtés du très coloriste François Laizeau qui fut l’un de ses deux batteurs (avec Ramón López) durant cette période, on trouve Jan Vanek, jeune guitariste qui contribue largement à la couleur de l’album dans un style clair qui s’épice de fragrances orientales. Sur le très beau « Jardin secret (à saisir) », il apporte avec aisance une touche onirique, s’amusant à citer les Beatles sans ostentation ou jouant la carte du groove autour de la paisible ligne de basse de Levallet. L’auditeur distrait pourrait trouver ce dernier un peu en retrait, mais c’est que sa rondeur se fond dans un ensemble quiet ; il suffit pour s’en convaincre d’écouter « Back and Back », qu’il amorce avec autorité ; on perçoit alors toute l’importance des relations qu’il noue avec ses musiciens, notamment son batteur et son guitariste.

Les inséparables Airelle Besson à la trompette et Sylvain Rifflet aux saxophones et clarinettes « bordent » ce quintet. Dans une atmosphère bien moins urbaine que leur propre RockingChair, on retrouve avec bonheur leur faculté de jouer sur l’union des timbres pour sublimer les mélodies. Ainsi trouve-t-on sur « O.A.C », qui ouvre l’album, de subtiles essences « stevecolemaniennes » qui donnent son ton à l’ensemble, du relief aux Songes, et de la valeur aux Silences. Leur entente étroite avec Vanek mais aussi avec la contrebasse très musicale crée la sensation éthérée d’aube sereine qui nimbe l’album, y compris sur sa - superbe - pochette.

Bien qu’enregistré sans public [2], le disque dégage une atmosphère chaleureuse, atout non négligeable dans cet sentiment global de clair-obscur… ou bien d’« Aigre-doux » ? Placé au centre de l’album, ce titre prolonge l’habile passementerie entre lumière pastel (les soufflants) et tonalités plus crépusculaire (la base rythmique) que l’aérienne guitare de Vanek vient surpiquer. Airelle Besson y montre à quel point elle sait empourprer instantanément le propos avec une précieuse justesse, en entraînant ses partenaires toujours plus loin.

Songes, Silences est un album capiteux et plein de caractère qui, à chaque écoute, révèle de nouvelles pistes, de nouveaux détails, dans une construction foisonnante aux allures faussement simples, et qui permet de retrouver la marque d’un grand contrebassiste.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 juillet 2011

[1Qui avait déjà accueilli Silhouette, en trio avec Noah Rosen et Yves Robert.

[2Au Palot, une des salles de l’ex-fief franc-comtois de Levallet.