Portrait

Ethan Philion rend hommage à Mingus

Un nouveau venu sur la scène de Chicago s’attaque à l’héritage de l’inimitable Charles Mingus avec Meditations on Mingus (Sunnyside).


Ethan Philion @ Isabel Firpo

Conçu avant la pandémie, cet hommage rendu par le jeune contrebassiste à cette légende du jazz a été réalisé avec retard pour finalement coïncider avec les célébrations du centenaire de la naissance de Mingus.

Ethan Philion grandit à Oak Park, dans la banlieue ouest de Chicago. Il part faire ses études à Oberlin dans l’Ohio avant de s’installer dans la région de Washington. Après quelques années, il éprouve le besoin de se changer les idées et revient sur Chicago, réputée pour sa scène musicale, pour reprendre ses études à DePaul University où enseignent le batteur Dana Hall et un autre contrebassiste, Dennis Carroll : deux musiciens qu’il apprécie particulièrement.

L’initiation de Philion à la musique commence par le violon, un instrument qu’il ne prise guère. Il découvre le jazz par hasard. Au lycée, c’est le coup de foudre lorsqu’il entend « Moanin’ » de Mingus pour la première fois. « Je suis séduit par les nuances dans ses compositions, par l’énergie qui transparaît dans les improvisations et par le son énorme de son instrument », explique-t-il.

Ethan Philion et Meditations on Mingus @ Isabel Firpo

Le contrebassiste n’est pas seulement envoûté par la musique de celui qui deviendra son compositeur américain préféré. Il s’intéresse également à son militantisme. « À l’écoute de « Meditation on a Pair of Wire Cutters », j’ai cherché à comprendre la signification de ce titre, dit-il. J’en suis arrivé à la conclusion que si vous opprimez les gens, cela débouche toujours sur la violence. J’ai également pu voir la relation qui existe entre la musique de Mingus et les problématiques de notre temps, notamment la façon dont le gouvernement traite les sans-papiers. »

Il est donc naturel que Philion décide un jour de rendre hommage à Mingus. Pour ce projet, il réunit dix musiciens qu’il estime. « Cette taille me semblait un bon compromis, affirme-t-il. La formation peut ainsi sonner comme un petit groupe ou un grand orchestre. » Arranger les pièces de Mingus n’est pas une sinécure. Il réalise patiemment un travail de transcription à partir d’enregistrements. La musique est si dense que ses efforts requièrent beaucoup de temps. « En outre, pour moi, cette musique est sacrée et je ne voulais pas y mettre trop de moi-même, avoue-t-il. Mais d’un autre côté, pourquoi jouer cette musique si on ne souhaite pas y apposer son sceau ? » Le trompettiste Russ Johnson, devenu aujourd’hui un fréquent collaborateur, fait partie de la formation et se félicite du résultat. « Son projet parvient à un parfait équilibre entre la révérence envers les compositions originales et l’abandon téméraire qui rend la musique de Mingus si singulière », dit-il.

Ethan Philion @ Isabel Firpo

Johnson, dont Ethan Philion a fait la connaissance lors d’un concert donné à Oberlin, est un musicien qui compte pour ce dernier. Il est notamment membre d’un quartet dirigé par le contrebassiste dans lequel on retrouve Dana Hall et le saxophoniste alto Greg Ward. « Grâce à ce véhicule, j’ai la possibilité de m’exprimer dans l’instant et d’honorer la musique que j’aime [grâce à mes propres compositions] », explique-t-il. Lui renvoyant l’ascenseur, le trompettiste a invité Philion à rejoindre le quartet qu’il a assemblé avec le violoniste Mark Feldman et le batteur Tim Daisy. « Je voulais un musicien qui soit à l’aise dans la musique improvisée et qui puisse également négocier des compositions complexes », affirme Johnson.

Un dernier projet, auquel Philion tient beaucoup, est plus surprenant car il tourne autour de Nat King Cole. En compagnie du guitariste Mike Allemana et du pianiste Ben Lewis, il cherche l’inspiration dans le trio de Ray Brown. « J’adore cette musique qui rend les gens heureux, dit-il. Cela reflète également ce que je veux être en tant que contrebassiste : accompagner des musiciens dans un large éventail de situations. »