Chronique

Festen

Replicant

Damien Fleau (ts, synth), Jean Kapsa (p, synth), Oliver Degabriele (elb), Maxime Fleau (dms).

Label / Distribution : Laborie Jazz

Suite des aventures de Festen, ce quartet emmené par Damien Fleau, un saxophoniste qu’on peut aussi retrouver en solo, jouant aux claviers la musique de Breaking Waves dans une inspiration à chercher du côté de Philip Glass. Le groupe compte à son actif sept albums, auxquels s’ajoute un enregistrement live publié en version numérique. Festen explore un jazz ouvert à des influences qui peuvent être aussi bien le rock que la musique répétitive et il est aussi une déclaration d’amour faite au cinéma [1]. On pourra rappeler aussi que le groupe avait rendu hommage à un autre cinéaste en reprenant à son compte différentes musiques de ses films sur l’album Inside Stanley Kubrick.

Dans un entretien accordé à Citizen Jazz, Damien Fleau affirmait une position tranchée quand il évoquait la question du jazz : « Il faut que cette musique redevienne ce qu’elle a toujours été : révolutionnaire, instinctive et surtout pas cérébrale ! Un mouvement de liberté et de création. Elle doit vivre avec son temps ». Des propos qui collent à Replicant [2], le nouvel album du groupe, publié sous la forme d’un double vinyle agrémenté d’un livret graphique signé Simon Bournel. Un bel objet pour une musique qui ne l’est pas moins.

Festen a imaginé un spin-off du personnage de Roy Batty pour élaborer une musique dont l’intensité est la première des caractéristiques. Damien Fleau la définissant volontiers comme du jazz progressif, souligné ici par la présence des synthétiseurs. Ceux-ci contribuent à l’instauration d’un climat de tension, sombre et entêtant, à l’image du film lui-même. Replicant est avant tout le disque d’un groupe qui a quelque chose à dire, des histoires à raconter. Cette fois, c’est le voyage de l’androïde et « sa quête de vérité́, sa traversée le long de l’épaule d’Orion jusqu’à la porte de Tannhäuser ». Festen possède un sens aigu de la narration, le groupe agence un scénario tenant constamment en haleine. Sa force est d’autant mieux affirmée qu’il s’appuie sur une formation inchangée depuis ses débuts et aujourd’hui aguerrie : Jean Kapsa (piano et synthétiseurs), Oliver Degabriele (basse) et Maxime Fleau (batterie). Sans oublier la présence d’un récitant pas comme les autres, James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin, avec lequel Damien Fleau a travaillé dans le cadre de la Compagnie du Hanneton.

Embarquement immédiat, voyage trépidant, sensations garanties, c’est tout cela, Festen !

par Denis Desassis // Publié le 11 juin 2023
P.-S. :

[1Festen était en effet le titre d’un film de Thomas Vinterberg en 1998.

[2Un réplicant est un androïde tel que le romancier Philip K. Dick les avait imaginés dans son livre Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, adapté au cinéma par Ridley Scott en 1982 sous le titre Blade Runner. L’un des personnages de cette histoire est le replicant Roy Batty qui finira par mourir après avoir été pourchassé par le policier Rick Deckard (interprété au cinéma par Harrison Ford). On souvient de cette scène, juste avant sa mort, lorsque Batty déclame une tirade appelée le « monologue des larmes dans la pluie ».