Scènes

Festival « Freddy Live à Garonne » 2010

Du 24 au 26 avril 2008 au Théâtre Garonne (Toulouse), un festival regroupant Eugene Chadbourne, Le Tigre des Platanes et Eténèsh Wassié, La Friture Moderne, les Bampots et Ted Milton…


Freddy Morezon P.R.O.D. investissait du 24 au 26 avril le Théâtre Garonne pour un festival regroupant l’ensemble des artistes de son écurie : Eugene Chadbourne, Le Tigre des Platanes et Eténèsh Wassié, La Friture Moderne, les Bampots et Ted Milton… Du beau linge au programme. Deuxième journée.

En première partie de soirée, dans le théâtre proprement dit, une lecture scénique des Songes de Mevlido d’Antoine Volodine. Dit d’une voix blanche par Manuela Agnesini, illustré de « visions gribouillées » réalisées en live par Benoît Bonnemaison-Fitte, dactylographié en direct sur grand écran par une manière de « greffière » qui ajoute encore au sentiment d’étouffement stalino-kafkaïen que le texte transpire par tous les pores.

Suite des festivités à l’Atelier, en face du théâtre. « Chansons usurpées » est fait de films de récupération et de chansons recyclées. A moins que ce ne soit l’inverse. Benoît Bonnemaison-Fitte (encore lui) collectionne les films Super 8 d’amateurs. La projection illustre (à moins que ce ne soit l’inverse) les chansons que reprend Philippe Gelda : « Les petits boudins » de Gainsbourg flanqués d’un clip de théâtre balinais du plus haut kitsch, « L’Accroche-cœur » de Brassens posé (ou peut-être est-ce l’inverse ?) sur une séquence érotico-calamiteuse… Les « saucissons » les plus éculés prennent un double sens inattendu. C’est cocasse et parfois attendrissant même si, par manque de construction, on trouve le temps un peu long sur la fin et on se prend à rêver de courtes séquences montées serré…

Marc Démereau/Nicolas Lafourest Photo X/DR

Après cette entrée en matière pour le moins contrastée venait enfin le tour de Cannibales et Vahinés. Un trio de choc, lauréat 2008 du programme Jazz Migrations. Marc Démereau (saxophones, ordinateurs) et Fabien Duscombs (batterie), que l’on connaît dans maintes autres formations (La Friture Moderne, le Tigre des Platanes, Entre deux Chaises…) sont ici rejoints par le guitariste Nicolas Lafourest. Les morceaux s’enchaînent sans coupure. La musique est organisée en suite de mouvements complexes : un surprenant conglomérat de sons fondus ou saturés, de riffs et de rythmiques binaires-ternaires empruntées à la musique éthiopienne, de rock « noise » et de bruitisme électro-acoustique, de boucles et de sons concrets (on croit reconnaître des bruits d’eau, des conversations sur une place africaine, des cloches inversées, une fanfare militaire, une radio, des pleurs d’enfant).

Ambiance fiévreuse, montées dramatiques, bouffées d’air frais, groove implacable. Fabien Duscombs joue d’une batterie plus coloriste, moins franchement rythmique qu’à l’accoutumée ; Marc Démereau paraît assigner à chacun de ses saxophones un rôle ou une humeur spécifiques : le soprano inquiétant et angoissé, l’alto révolté, le baryton poignant et dramatique. Nicolas Lafourest, à cent lieues d’un guitar-hero, donne dans l’introspection, à mi-chemin entre Olivier Benoît et Sonic Youth ; mais, marqué par l’improvisation expérimentale comme par un rock crépusculaire entre punk et grunge, il semble parfois faire cavalier seul dans une bulle sonore pas toujours perceptible pour l’auditeur.

Fabien Duscombs Photo X/DR

Le final fait défiler une incroyable succession de noms de curés (capucin, franciscain, ratichon, cardinal…) énoncée d’une voix de plus en plus furieuse par un Marc Démereau en proie à une colère jubilante, sniper hilare tirant à vue sur tout ce qui porte soutane ou surplis. L’écoute est parfois rendue difficile par un volume sonore et des aigus corrosifs. Mais Cannibales propose somme toute un travail très intéressant qui en appelle plus à l’émotion qu’à l’analyse et dont on attend avec une curiosité gourmande les prochains développements.