Chronique

Frix

The Show Was Not Good

Etienne de la Sayette (as, ts, cl, sampler), Cyrille Méchin (ts et ss, cl), Ivan Réchard (cb, b), David Georgelet (b)

Label / Distribution : Le Petit Label

Troisième production de Frix, jeune quartet original et créatif, pour Le Petit Label après Live in Niksic et Girls Inside, The Show Was Not Good est présenté comme l’« album de la maturité ». Il n’en est rien : les deux premiers disques sont tout aussi formidables que le dernier en date. Seulement, cette fois-ci la girl est outside : l’homme au sabre va-t-il réellement la couper en deux ? Le suspense est insoutenable : vous ouvrez la jolie petite pochette en carton, vous vous saisissez du disque avec précaution, voire dévotion, et découvrez la triste vérité. Oui, elle est bel et bien découpée, tranchée, hachée menue. Mais qui ? La musique, bien sûr !

Ici, point de couleurs primaires. Le métissage est porté chez Etienne de la Sayette, Cyrille Méchin, Ivan Réchard et David Georgelet par une imagination explosive. On entend du jazz, de l’électro, du dub, du funk, du rock, de l’électro-jazz, du jazz-rock, du rock-jazz, du français, de l’anglais, des soupirs, un générique de film américain, un homme, une femme – non, il ne la laissera pas tomber. C’est que les voix sont multiples : un beat électronique donne le rythme à un saxophone musette qui se transforme en accordéon avant de laisser la parole à John, grand héros de série B : « It Is Acromegalia ». Un clavier accélère si bien le rythme qu’il devient un messager de l’hyperespace et donne la parole à une fausse guitare électrique (le Rhodes, toujours) qui tourbillonne sur elle-même, bientôt rattrapée par une contrebasse qui fait à son tour place aux rires du thème (« The Show Was Not Good »). Le saxophone est métamorphosé en instrument free par la même fausse guitare, bien plus saturée cette fois, qui amène avec elle une voix allemande et une batterie free (rock) elle aussi (« Sex Toy »). « I Want You » des Beatles est repris avec entrain et diablerie. Tout cela, évidemment, porté par un groove inébranlable grâce auquel on devine que le show sera good.

Dans ces conditions, des trois albums, lequel se procurer ? Si la maturité c’est la sagesse, la solidité, le jugement sûr, celui-ci n’est pas mûr. Mais si c’est la prise de risque, la volonté d’aller au bout des choses, et le sentiment d’avoir quelque chose à dire, alors oui, The Show Was Not Good correspond à cette définition. Musicalement, il vaut les deux précédents, mais il possède un petit plus : il n’hésite pas à nous couper en deux. Même l’objet disque, édité conjointement avec ClapSon, est double ! Et en douceur, en plus. La lame est bien affûtée, nulle rature. Les sons sont triturés, travaillés, modifiés en profondeur. Frix ne se contente plus de juxtaposer, il métamorphose les métaux sonores. Il ne vous reste plus qu’à découvrir ce plomb devenu or.