Chronique

Glass Triangle

Blue and Sun-lights

Mette Rasmussen (ts, objets, elec), Zeena Parkins (hp, elec, objets), Ryan Sawyer (dms, objets)

Label / Distribution : Relative Pitch

Après un premier album en 2021, le trio Glass Triangle nous propose de nouveau cette musique complexe et à fleur de peau qui fit le charme du disque dont l’orchestre tire son nom. Dès « Earth O », on retrouve le saxophone tout en tension de Mette Rasmussen dans le maelstrom de l’électronique de Zeena Parkins, le tout maintenu en ébullition par Ryan Sawyer. Le batteur de Columbia Icefield, habitué à ces climats, est le garant de l’atmosphère du trio : aimanté par ses cymbales pour donner justement cette impression cristalline, il sait néanmoins frapper fort et juste, mettant en perspective les rages de la saxophoniste (« beaming_becoming chrystal »), jusqu’à les adoucir, sans les pervertir, leur donnant même de quoi repartir de plus belle. Dans ce contexte, Zeena Parkins est un électron libre, une carte blanche puissamment utilisée. Ici, sa harpe percluse d’électronique est une chambre d’écho pour le saxophone ; plus loin, sur « Glass Spell », elle devient génératrice de sons comme autant de territoires inconnus.

La rencontre entre Mette Rasmussen et Zeena Parkins est frappée d’évidence. À l’écoute de « doo wap BREAK BREAK », parmi les courts morceaux qui émaillent Blue and Sun-lights, on a d’abord le sentiment d’une opposition de style, Parkins favorisant les nappes et le soin des détails tandis que la saxophoniste est une boule d’énergie, d’apparence imprévisible. Mais en réalité, on y découvre une forme de connivence, une complémentarité puissante. Les deux musiciennes ont des parcours assez proches : Rasmussen côtoie la scène noise rock et Zeena Parkins a collaboré au long cours avec des musiciennes comme Björk. Leurs échanges parfois abrupts sont d’une grande richesse.

C’est le dernier morceau, plus long que les autres, qui donne les clés de ce très bel album proposé par le label Relative Pitch. « Earth OO » est une réponse au premier titre d’un album qu’on pourrait envisager en miroir : une succession de reflets. La Terre s’éloigne dans ce morceau cosmique où Zeena Parkins multiplie les expériences sonores ; à la raucité du saxophone s’opposent des sons venus d’ailleurs et des pépiements d’oiseaux électroniques. Seul le travail de Sawyer, absolument ancré dans une matérialité indispensable, permet au trio de rester en orbite, de ne pas se raréfier dans une atmosphère potentiellement hostile. Un très beau voyage.

par Franpi Barriaux // Publié le 1er octobre 2023
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