Chronique

Govaert / Vicente / Dos Reis / Martinsson

In Layers

Luis Vicente (tp), Marcelo Dos Reis (g), Kristján Martinsson (p), Onno Govaert (dms)

Label / Distribution : FMR-Records

Nous sommes désormais accoutumés à entendre le guitariste Marcelo Dos Reis et le trompettiste Luis Vicente au sein de formations identiques. Mais si le fardeau de l’habitude est l’ennemi premier des musiques vivantes, a fortiori dans leur frange improvisée, reconnaissons que les Lusitaniens savent nous prendre au dépourvu ; s’ils sont l’axe central et constructif de nombreux projets, les accompagnateurs changent, à l’instar de l’environnement. Ils dressent même un excitant état des forces en présence à l’échelle européenne, tant les collaborations viennent de tous les points cardinaux. Après des échanges avec les Français du Tricollectif (Chamber 4) et un plus récent disque strictement portugais (Fail Better !), voici nos compères avec le batteur néerlandais Onno Govaert et le pianiste islandais Kristján Martinsson, deux résidents bataves.

Govaert n’est pas un nouveau venu dans cet univers, puisque le rythmicien de Cactus Truck avait déjà croisé l’impulsivité de Vicente au sein du Twenty-One 4tet, dans un registre néanmoins plus agressif que cet In Layers. Certes, « Tempera » est un morceau pugnace ou batterie et trompette s’étreignent dans un espace très dense, voire restreint, que le piano percussif de Martinsson encercle avec une puissance certaine. Mais globalement, la rencontre égalitaire et spontanée est davantage rangée sous le signe de la patience et de la méticulosité, même lorsque sur « Pentimenti », Vicente semble bouillir intérieurement d’une rage d’abord imperceptible, puis grandissante et s’étendant à l’ensemble de l’orchestre. Ainsi « Fresco », dans un luxe de détails, fait converger les protagonistes vers le point de fusion, qui ressemble à s’y méprendre au point de fuite d’une perspective cavalière.

In Layers trouve en effet son inspiration dans la peinture. Chacun des titres évoque les couches sur une toile, du glacis (« glaze ») aux « Pentimenti ». A bien y regarder, on peut concevoir la relation entre les timbres à l’aune de ces techniques, les cordes pincées de la guitare couvrant presque absolument celles, frappées, du piano tout en lui donnant un relief incomparable (« Underdrawing »). On y verra également une conception de l’improvisation commune à ces artistes. Une maîtrise du geste et du saut dans l’inconnu qui témoigne d’une spontanéité bonifiée par le temps. In Layers est le fruit d’une multitude d’esquisses et d’ébauches qui sédimentent ce bel instant présent capté au Zaal 100 d’Amsterdam. Pas besoin d’en rajouter une couche ; la musique improvisée européenne a de beaux jours devant elle !