Kornél Fekete-Kovács & Modern Art Orchestra

On aurait vite fait de faire de cet album un enregistrement mystique. Les motifs qui se développent comme des nappes enveloppantes, les parties volontairement déliées, les allers-retours entre dissonances et consonances, les brumes sonores, le caractère quelquefois bruitiste catalogueraient ce projet dans le registre de l’introspection. Ce ne serait pas faux d’ailleurs. Car il y a tout ça dans ce très bel album mené par le trompettiste hongrois Kornél Fekete-Kovács aux mains desquels se laisse conduire le Modern Art Orchestra. Mais on passerait à côté d’un certain nombre de choses. Car le disque, Foundations, s’explique au regard de son sous-titre « Yamas and Niyamas ». Le propos nous mène du côté de l’Inde et du Népal et explore à la manière d’un yogi – ce qu’est par ailleurs Kornél Fekete-Kovács – la vérité profonde, celle qui va au-delà des mots et des constructions intellectuelles. Disque de méditation donc dans lequel on réalise un parallèle entre musique et méditation.

On pourrait plus ou moins balayer du revers de la main cette comparaison, arguant que nombre de projets musicaux en relèvent. Sauf qu’il y a autre chose ici. L’orchestre et ses textures, les quelques parties classiques et les autres, plus nombreuses, contemporaines, les enchevêtrements complexes, sont convoqués pour signifier ce que Emese Szsáz, dans le livret qui accompagne le CD, appelle « an ethical codex in sound ». Album d’introspection et de contemplation, conçu comme un guide lequel, si on accepte la relation disciple-maître, nous invite à mettre de côté nos idées, nos a priori, nos peurs et devient alors une riche expérience sonore. Superbe.