Chronique

Le bruit du [Sign]

Heiko ou l’apparition du héros

Nicolas Stephan (ts), Jeanne Added (voc), Julien Rousseau (tp, flg), Julien Omé (g), Théo Girard (b), Sébastien Brun (dm), Pierre-Alexandre Tremblay (électro-acoustique), Sylvaine Hélary (fl sur 1 titre), Eve Risser (vx, fl, magnétophone sur 1 titre)

Label / Distribution : Yolk Records

Yolk impressionne par le nombre et la diversité de ses publications. Les musiciens qui le constituent forment une grande famille et, dans leurs formations respectives, font tous preuve d’originalité, de créativité et de maîtrise, mais ce label indépendant fait partie de ceux qui savent étendre cette famille à de nouveaux venus qui ne demandent qu’à être reconnus, écoutés. C’est ainsi que Yolk a récemment « recruté » le sextet Le bruit du (Sign), ou ce que la nouvelle génération peut apporter de plus personnel dans les nouvelles musiques.

Certains noms ne nous sont pas inconnus : on retrouve la chanteuse Jeanne Added (collaborations avec Vincent Courtois, Yves Rousseau, Pierre De Bethmann…), Julien Omé (RockingChair), Sébastien Brun (Issam Krimi Trio) ou le contrebassiste Théo Girard (Sibiel). Le saxophoniste - et leader - Nicolas Stephan (ténor) signe la plupart des titres. Julien Rousseau est à la trompette et au bugle. Pierre-Alexandre Tremblay s’adjuge les traitements électroacoustiques sur quatre titres, Sylvaine Hélary (membre de « Doux Mix, du nouvel octet de Denis Colin, etc) joue de la flûte sur un titre, ainsi qu’Eve Risser (ONJ Yvinec) que l’on retrouve également au voix et au »magnétophone".

Pour son premier enregistrement, Le bruit du [Sign] s’offre un double album, : « Heiko » et « L’apparition du héros » pour une musique résolument contemporaine et décomplexée, loin de tout étiquetage, fût-il subtil (ce qui n’est certainement pas négatif : nombre de projets souffrent aujourd’hui de se voir enfermer dans une catégorie éloignée de leur intention première) et qui prend son temps, à l’heure où d’autres se hâtent, craignant d’engendrer la lassitude. Au contraire, Le bruit du [Sign] propose à l’auditeur de pénétrer progressivement dans son évolution constructive. Le propos de chacun s’inscrit avec beaucoup de spontanéité dans cette durée, sur une trame délibérément collective — aucun membre du groupe n’est mis en exergue. L’approche est différente. Heiko… aurait pu être un enregistrement live tant les musiciens jouissent d’une grande liberté d’expression.

Bruitages et sons de sax ténor déformés, batteur coloriste… les connaisseurs penseront au groupe Quinte & Sens. Plus loin, un hommage à Henry Threadgill devient prétexte à une improvisation du guitariste, cassures et alternances de rythmes enrichissent une matière déjà profuse. « Musique pour le jogging » dénote des influences rock, ainsi que « Le cas de la danse du marin et de son prince à l’oncle » (dédicace spéciale au groupe TTPKC et le Marin), qui introduit le second album, et « Julito El Caporal », qui apporte une touche festive et se termine par une conclusion country à la guitare. La voix unique et chaleureuse de Jeanne Added magnifie « Douce » et « L’or » en traçant une voûte sonore en surplomb des instruments.
Sur le second album - tout aussi surprenant - « Il suffirait de peu », « Pour que tout s’écroule » et « Brandolf ou l’anniversaire de Mr Eddy » laissent place aux bruitages électroacoustiques et à des sonorités de monde inexploré. Un disque osé, ne serait-ce que par ses cent trente minutes de musique, de quoi combler les plus curieux…