Chronique

Luís Lopes Abyss Mirrors

Echoisms

Luís Lopes (eg), Flak (eg), Jari Marjamaki (elec), Travassos (elec), Felipe Zenícola (bs), Yedo Gibson (s), Bruno Parrinha (as,ss), Helena Espvall (cello), Maria da Rocha (vl), Ernesto Rodrigues (alto)

Label / Distribution : Clean Feed

Le guitariste portugais Luís Lopes fait souffler un vent de fraîcheur avec une musique libre qui mérite à elle seule la création du néologisme « chaophonique ». Entouré de neuf musiciens venus de tout le continent européen, il propose Echoisms, une suite qui se construit sur des jeux de bousculement des sons, certains amplifiés, traités par un orchestre international dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est réactif.

Avec pour nom Abyss Mirror, ce tentet plonge, en effet, dans un complexe labyrinthe sonore où chaque proposition s’accumule à l’architecture érigée autant qu’elle la redéfinit. Les combinaisons infinies et le caractère propre de chaque musicien apportent leur part à la mise en mouvement de cette entité collective offensive, dans une première partie tout au moins.

Les saxophones de Yedo Gibson et Bruno Parrinha s’en donnent à cœur joie lors de joutes fauvistes d’où jaillissent des suraigus particulièrement pointus qui ne sont toutefois que la partie la plus visible d’un enchevêtrement organique où tout semble de fait déconstruit, tout en se positionnant ailleurs. Les effets de vitesse et de démultiplication, l’accumulation de strates possiblement indépendantes les unes des autres, génèrent assurément un discours pluriel aussi déstabilisant que finalement unidirectionnel puisqu’il cherche obstinément le paroxysme du déchirement.

Dans une seconde partie, le propos se structure pourtant sur un groove spumeux qui laisse apparaître les guitares complémentaires de Lopes et de Flak, peintres d’ambiances étales et coloristes saupoudrées d’effets électroniques. Soutenue de part et d’autre par un trio de cordes (violon, alto, violoncelle) qui prend la lumière avec à-propos et entraîne tout le monde dans une acoustique incisive, la musique ne se limite ainsi pas à sa seule ambition d’être une version 2.0 du Miles électrique : elle dépasse au contraire cette lointaine référence pour la projeter dans le présent.

Par des effets de crissements, de phrasés atrophiés et épileptiques, elle lui confère même une dimension pénétrante. L’auditeur est ainsi conduit au cœur d’une dimension grisante, comme s’il était sur une frêle embarcation ballottée par un océan en perpétuelle agitation.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 3 septembre 2023
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