Chronique

Michael Alizon

Expanding Universe Quintet

Michael Alizon (ts, ss), Jean-Charles Richard (ss, bs), Benjamin Moussay (Rhodes, synth, elec), Jozef Dumoulin, (Rodes, synth, elec), Franck Vaillant (dms).

Label / Distribution : Label Oh ! / Inouïe

Michael Alizon est loin d’être inconnu : non seulement parce qu’il coordonne le Département Jazz et Musiques Improvisées du Conservatoire de Strasbourg dont il est l’un des enseignants, mais aussi parce que nous avons déjà eu l’occasion de souligner ici-même quelques-unes de ses incursions discographiques. Ce fut par exemple son duo fraternel avec Jean-René Mourot et Les Couloirs du temps, ou bien encore sa présence au sein du Bernard Struber Jazztet pour une remarquable Symphonie déjouée. C’est d’ailleurs dans cette formation qu’il a côtoyé Jean-Charles Richard et Benjamin Moussay, qu’on retrouve aujourd’hui dans un quintet aux élans cosmiques, avec deux autres membres d’équipage nommés Jozef Dumoulin et Franck Vaillant. Une sacrée association, soit dit en passant… et un disque brillant qui a les yeux et les oreilles résolument tournés vers le ciel et l’espace.

Expanding Universe Quintet, tel est le nom assez ambitieux d’une formation (et d’un disque) qui cherche à établir un parallèle naturel entre la conquête de l’infini spatial, notamment par le truchement du télescope Hubble, et l’exploration sonore. Avec parfois les allures d’une grande cérémonie, dont les hymnes seraient chantés par le duo de saxophones – c’est lui qui exprime au premier chef la dimension charnelle de cette aventure incertaine – à la manière de grands appels vers l’inconnu (« Vers l’infini (… et au-delà !) », « Signal immuable », « Totale apesanteur », « Hubble Station »), en attente d’une possible réponse. Mais une cérémonie aux couleurs électriques portées par une paire de claviers en grande forme – plus que jamais, le travail d’architecture et de design sonore élaboré par Jozef Dumoulin et Benjamin Moussay doit être souligné, tous deux tirant l’ensemble vers une forme de jazz rock haut de gamme qui nous renvoie au meilleur du genre. Leurs synthétiseurs et autres Fender Rhodes scrutent la pénombre et tentent de percer les mystères de l’infini, jusque dans ses bruissements les plus imprévisibles. Presque rassurante au cœur de cette expédition nocturne, comme un trait d’union entre l’humain et la machine, la batterie est le pouls qui signifie tout autant la curiosité de la découverte (et la jubilation, exprimée par exemple dans « Célérité lumineuse » ou un chorus sur « Hubble Station ») que le frisson de l’inconnu. Au point qu’on se dit que Franck Vaillant porte décidément bien son nom !

Le quintet explore dans un grand souffle cuivré, avance avec élégance et même une certaine majesté sur un chemin qui le conduit à l’éclosion d’une lumière tant désirée (« Célérité lumineuse », « Le Monde des ondes »). Une quiétude nostalgique affleure parfois, née d’une interrogation propre à l’éloignement et d’une pointe d’angoisse quant à un possible retour sur Terre (« Blues orbital »). Mais au bout du compte, la contemplation d’un spectacle céleste finira par l’emporter (« Les Sentiers du crabe »). Toutes signées par Michael Alizon, les compositions sont le prétexte à de grands élans qui n’excluent jamais leur temps d’improvisation et disent le mystère (« Signal immuable »). Celui-ci s’avère d’autant plus indispensable qu’il exprime ici l’incertitude d’un voyage dont on ne connaît pas forcément le terme. À supposer qu’il existe, bien sûr. Mais qu’on se rassure : tout juste revenus de leur expédition, les cinq explorateurs de l’Expanding Universe Quintet vont très vite repartir à la recherche de nouveaux horizons. C’est tout le mal qu’on leur souhaite…