Chronique

Myra Melford

For The Love Of Fire And Water

Myra Melford (p), Mary Halvorson (g), Ingrid Laubrock (ts, ss), Tomeka Reid (cello), Susie Ibarra (dm, perc)

Label / Distribution : Rogue Art

Aprèsle trio avec Nicole Mitchell et Joëlle Léandre et celui avec Miya Masaoka et Zeena Parkins, le Fire and Water Quintet est la troisième formation exclusivement féminine de la pianiste Myra Melford.
Conçue comme une suite en dix mouvements, la musique développée s’inspire du travail de Cy Twombly et plus particulièrement d’une série de toiles dont l’une d’elles, For The Love of Fire and Water, donne son nom à l’album [1]. Le peintre appartient au courant de l’expressionnisme abstrait, sous-branche action-painting [2]. Pour la faire courte, il s’agit d’une peinture non figurative et expressive dont la technique de réalisation est centrée sur le geste et son énergie plutôt que sur sa technicité académique. C’est dans cette dernière spécificité que Melford trouve un cousinage avec sa manière de faire sonner son piano. Le résultat (le son pour la musicienne, la toile pour le peintre) n’est que la scorie du fait générateur et propos principal : le geste et les flux d’énergie. La démarche de Cecil Taylor était peu ou prou la même et l’on entend très clairement une parenté de jeu entre les deux pianistes.

Les dix plages du disque alternent improvisations en sous-groupes du quintet et thèmes ravageurs - préludes ou coda à des improvisations collectives - dont le caractère à la fois abrupt et dansant rappelle l’esprit de certaines compositions d’Henry Threadgill (« Mouvement N°7 »). Les plages improvisées sont organisées et distribuées par Melford et ses quatre consœurs s’y amusent avec tout leur savoir-faire et leur expérience. Ingrid Laubrock brille par sa réactivité, Mary Halvorson par son intelligence du son et de l’accompagnement, Susie Ibarra par sa palette coloriste et économe, Tomeka Reid par son lyrisme [3]
Enregistré en une journée et demi, le répertoire a été pensé et écrit pour pouvoir évoluer avec la vie du groupe en tournée.
À ne pas manquer sur scène, donc !

par Hélène Gant // Publié le 5 mars 2023
P.-S. :

[2Oui, moi aussi ça m’agace cette tendance des peintres de l’époque moderne et contemporaine qui, au moindre frémissement inhabituel - voire accidentel - de leur pinceau, veulent donner naissance à un nouveau mouvement pictural et le nommer. C’était ma minute réactionnaire.

[3Amusant au passage, de voir que dans les groupes où Reid passe, les (contre)bassistes trépassent (Pour exemple, le récent Secular Psalms de Dave Douglas).