Chronique

Rom Schaerer Eberle

At The Age of Six I Wanted to be a Cook

Andreas Schaerer (voc, hrm), Martin Ebere (tp, flh, objets), Peter Rom (g)

Label / Distribution : Jazz Werkstatt

Leader charismatique de l’exubérant orchestre Hildegard Lernt Fliegen, le chanteur Andreas Schaerer mène de nombreuses formations parallèles aux atmosphères contrastées, mais toujours teintées d’un velouté onirique gourmand d’influences en provenance de tous les horizons. Avec son compatriote bernois Martin Eberle, dont on a déjà pu entendre la trompette dans le Jazzorchester Voralberg, et le guitariste autrichien Peter Rom, par ailleurs fondateur du label JazzWerkstatt, ils forment un trio qui signe le présent At The Age Of Six I Wanted To Be A Cook. Loin de l’esthétique de fanfare zappaienne chère à Hildegard, Schaerer prend plaisir à papillonner d’Afrique en contrées électroniques, porté par la précision rythmique de son Human Beat Box (« Cooking The Books »).

Dans un premier album remarqué, Please Don’t Feed The Model, la musique africaine était déjà omniprésente ; il suffisait de quelques notes et d’un scat lascif pour esquisser un paysage à grands traits, laissant l’imagination faire le reste. On retrouve, dans le long « A trois  » qui ouvre l’album, la même gamme de sentiments : la guitare à l’électricité sèche fait vite songer aux motifs répétitifs de la musique mandingue, que le babil de Schaerer épice de différentes manières, souvent transatlantiques, jusqu’à un Brésil fantasmé aux syncopes vaporeuses. On retrouvera ce climat dans le très léger « Triple Prism » ; Eberle, véritable coloriste du trio, double la voix pour mieux l’accompagner au bout de son imagination et lui permettre d’exagérer le trait sans éprouver le besoin de caricaturer.

Ainsi, sur le remarquable « At The Age Of Seven I Wanted To Be Napoleon  », le chant se donne l’inflexion d’un parler francophone populaire, proche du titi parisien mutant que la trompette éraille un peu plus, porté par la rythmique acerbe de Rom. Tiré de la célèbre phrase de Salvador Dali « A six ans, je voulais être cuisinier, à sept, je voulais être Napoléon, depuis mon ambition n’a cessé de grandir », cet album s’apprécie comme un tableau du maître, avec sa dose de virtuosité et de provocation, son goût pour les couleurs bigarrées et lyriques et un sens de l’humour qui domine largement les échanges. Une facette de plus pour ce chanteur suisse qui n’a pas fini de nous surprendre.