Scènes

Solo Insolent #1 : le clavier au grenier

Fred Escoffier en live dans le grenier de Lionel Martin.


Photo © Christophe Charpenel

Lionel Martin lance le projet Solo Insolent : des concerts solo enregistrés et filmés dans son grenier et diffusés ensuite sur le site de son label Ouch ! Records. L’enregistrement du premier live avec Fred Escoffier s’est déroulé le 17 mai dans la chaleur d’un grenier en ébullition.
À situation exceptionnelle, réponse conceptuelle !

La 14e édition du festival lyonnais La Grande Côte en Solitaire fut, comme bien d’autres événements actuels, la version contrariée d’un événement qu’il a fallu réinventer. Lorsque les organisateurs proposent à Lionel Martin de clôturer cette édition hors norme par un concert filmé seul chez lui, retransmis en direct sur internet, le saxophoniste n’est pas convaincu. « L’idée de jouer sans public, filmé à la maison avec un téléphone ou une tablette, ne m’emballait pas, au départ ». C’est lorsqu’il discute du projet avec son fils, Lucien Martin, membre du collectif Nalu’Films Production, que l’idée prend une forme plus précise : pourquoi ne pas le faire, mais en proposant quelque chose de plus abouti. Live, mais en différé, le temps de soigner la prise de son et la captation vidéo. Lionel décide de confier l’aspect vidéo à Lucien, et s’occupe de la partie son. Le concert, filmé en plan fixe devant un mur de vinyles, sous une lumière tamisée dans l’espace cosy de son grenier, fut diffusé le 26 avril dernier, et constitue une pièce de plus dans l’œuvre du saxophoniste.

La question de la gratuité se pose

C’est dans cette configuration née sous la contrainte qu’a rapidement émergé l’idée du projet Solo Insolent, en invitant d’autres artistes à se prêter à l’exercice d’un concert en solo, une sorte de carte blanche dans un décor boisé. « L’idée n’est pas de pallier momentanément au manque de concerts, c’est quelque chose qui est né à cause de la situation actuelle mais qui continuera à exister après. Et qui permet aujourd’hui aux artistes de travailler ». La question de la gratuité se pose. « À l’image des concerts de rue, on va proposer au public une participation au chapeau. Les concerts seront en ligne sur le site de Ouch ! Records, l’accès sera libre et anonyme et on proposera aux gens une participation financière, mais rien d’obligatoire. Ça permet de s’interroger devant la proposition d’un spectacle, qui même depuis chez soi, reste une prestation avec du travail derrière. C’est du spectacle vivant, crée par des artistes pour le public, au même titre que les concerts habituels ».

C’est donc une nouvelle série de concerts, au rythme d’un par mois, qui débutera le dimanche 24 mai à 18h. Pour cette première, c’est le claviériste Fred Escoffier (Palm Unit, Fred Pallem et le Sacre du Tympan, ex Ukandanz…) qui a essuyé les plâtres. Dans la chaleur d’une fin d’après-midi sous les toits, le musicien a livré un concert d’une traite, pied au plancher du grenier. Les sons électriques soumis à de sévères torsions ont rapidement envahi l’espace exigu de la petite pièce transformée en no man’s club. Les improvisations de Fred Escoffier ont peu à peu fait défiler des ambiances bigarrées, tantôt lynchiennes tantôt festives, peuplées d’images multiformes et changeantes, offrant à l’imaginaire de s’extirper de l’étroite configuration. Lorsqu’arrive la fin de la prestation et que Lionel propose à Fred d’en faire « une dernière », le claviériste repart pour un deuxième set plus long que le premier, plus libre et plus frontal, tout aussi captivant. Un essai transformé.

Sont déjà annoncés Nicolas Guay, Louis Sclavis ou encore Nguyên Lê dans les prochains épisodes de Solo Insolent. Lionel Martin y voit l’occasion d’aller toujours plus loin. « C’est ouvert à tous. J’ai pensé aussi à de la danse, du slam. Et qui sait, ça peut ouvrir encore d’autres possibilités, faire naître de nouvelles idées ». On n’en doute pas une seconde.