Chronique

Abdullah Ibrahim

A celebration / Re-Brahim

Label / Distribution : Enja Records

Abdullah Ibrahim est à l’honneur. Pour ce musicien sud-africain, l’année 2004 fut celle de tous les anniversaires : ses 70 ans, ses 50 ans de carrière, mais également les 35 ans de son premier enregistrement sur le label Enja. C’est ce label, justement, qui rend un double hommage au multi instrumentiste, avec deux disques. Le premier est un survol de sa carrière depuis 1973. Le second nous offre une vision plus actuelle de sa musique, avec des versions remixées de ses compositions dans un style électro-jazz.

La musique d’Abdullah Ibrahim est sans limites. Elle contient tout. S’il est d’abord connu comme musicien de jazz, son oeuvre comporte des éléments de styles aussi divers que les hymnes chrétiens, les traditions arabes et malaises, les chansons carnavalesques du Cap (sa ville de naissance), le jazz traditionnel ou free et le be-bop. Sans omettre les rythmes anciens des musiques africaines et le piano classique. Bref, ce pianiste, saxophoniste soprano, flûtiste, violoncelliste et chanteur est un melting pot musical à lui tout seul.

A l’entendre, on peut parfois croire qu’on écoute du jazz dans la plus pure veine de Duke Ellington. Il rencontrera d’ailleurs ce dernier en Suisse en 1963 et jouera avec lui à la fin de la même décennie aux Etats-Unis. Mais, l’instant d’après, on se dit que c’est peut-être de la musique classique. Ou encore une réminiscence des vieilles traditions africaines. Quoiqu’il en soit, la musique d’Abdullah Ibrahim prend toujours une dimension orchestrale grandiose où la mélodie existe d’abord dans le ressassement, avant d’être emportée par un élan lyrique et presque mystique.

Car Abdullah Ibrahim est un personnage pieux. Converti à l’islam à la fin des années 60 - d’où l’abandon de son ancien patronyme Dollar Brand -, c’est un homme spirituel et profond, porteur à travers sa musique d’un message d’harmonie quasi cosmique.

A Celebration résume une grande partie de sa carrière, laissant entrevoir la palette extraordinaire de couleurs sonores et d’influences musicales qui l’ont ponctuée. Re-Brahim montre que cette musique reste tout à fait contemporaine, encore et toujours d’actualité, notamment avec ce superbe remix de « Calypso Minor », au groove imparable et teinté d’un blues aux relents mélancoliques, profondément habité par l’histoire de l’Afrique du Sud, meurtrie par l’apartheid.