Scènes

Alex Tassel, corps et âme

Retour en Normandie pour le trompettiste / bugliste.


Samedi 15 février 2020. Alex Tassel prend ses quartiers dans les foyers du théâtre de Caen. C’est en terrain connu que joue le musicien aujourd’hui, car après avoir quitté sa Bretagne et un bref détour par la classe de jazz de Rouen, le trompettiste a commencé avec des musiciens normands tels Emmanuel Duprey, Loïc Richard, Jean-Benoît Culot, et Gaël Horellou.

Le programme de ce jour est issu de son dernier double album [1], constitué d’abord de Past&Present, un enregistrement acoustique enregistré dans une esthétique sixties, notamment avec une partie live et du public dans le studio. Entre compositions et standards de jazz, Alex Tassel s’inspire des idiomes du hard bop et s’allie avec Jason Rebello et Rick Margitza, rencontré alors qu’il jouait avec Manu Katché.

« Ce sont de grands jazzmen en plus d’être de grands musiciens d’une manière générale, ils jouent de tout. »

Mais ce jour-là à Caen, Alex Tassel s’est entouré d’amis de longue date : le pianiste Pierre de Bethmann, le contrebassiste Viktor Nyberg, et le batteur Julien Charlet, un des fondateurs de Sergent Garcia.

L’atmosphère varie entre rêveries harmoniques et envolées rythmiques, ponctuée par les chorus qui reflètent les univers singuliers de chaque musicien. On note que le public s’est particulièrement épris de la version bugle de « My Funny Valentine » interprétée avec nuances et subtilité.

Alex Tassel © Gérard Boisnel

A propos de bugle, lorsqu’on demande à Alex Tassel ses références, il révèle jouer de cet instrument « presque par hasard », mais précise qu’il s’inspire en tant que trompettiste de « Miles Davis et Chet Baker comme tout le monde, et Clifford Brown, un très grand mélodiste, fabuleux. »

Évoquant le second album A Quiet Place, Alex Tassel confie qu’il s’inscrit dans la lignée des Headhunters ou Weather Report. L’atmosphère est plus calme, plus planante. Il a aussi puisé de son expérience électro avec DJ Cam dans les années 1990, avec lequel il sillonne le courant Abstract Hip Hop. L’approche est donc différente de celle du premier disque, marquée par un travail de production plus électrique. Toujours dans une dynamique d’ouverture d’esprit, le trompettiste est attaché à l’idée que le jazz doit être accessible et pas élitiste : « J’aime bien avoir des projets qui permettent aux gens de trouver une porte d’entrée pour écouter du jazz […] À l’origine, c’est une musique qui parle aussi bien au corps qu’à la tête. […] Et généralement, beaucoup de gens rentrent par du jazz récent, du funk ou même de la pop ; puis finalement découvrent un morceau de Radiohead qui a été repris par Brad Mehldau, puis ils écoutent Brad Mehldau, puis ils se rendent compte que c’est super le trio piano. »

C’est ainsi que pour ce disque, Alex Tassel enregistre avec des jazzmen issus d’univers très éclectiques Reggie Washington (Steve Coleman, Roy Hargrove, RH/Factor, Brandford Marsalis, Buckshot Lefonque, etc.), Jason Rebello (Sting, Jeff Beck) et Christophe Panzani.

Les projets du trompettiste continuent au-delà des frontières. En effet, vient de sortir l’album Cursiv sur le label Igloo, qui illustre son travail avec le pianiste belge Igor Gehenot, à nouveau Viktor Nyberg à la contrebasse, David El Malek au saxophone et le batteur luxembourgeois Jérôme Klein. Toujours dans cette lignée syncrétique, un autre album est sur le point de voir le jour, issu d’une collaboration avec le DJ flamand Grazzhoppa, Jason Rebello, Reggie Washington, et le batteur américain Marcus Baylor (Kenny Garrett, Yellowjackets). Sans compter son projet Abstract Hip Hop : 9 in Common sur le label anglais Seamless Recordings.

par Juliette Boisnel // Publié le 24 mai 2020

[1Past&Present / A Quiet Place - Peninsula Productions, 2019.